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Entre conflit et crises climatiques, les sages-femmes apportent de l’espoir aux mères et nouveau-nés du Yémen

Une sage-femme tient un nouveau-né.
Lorsque Mona a commencé à travailler comme sage-femme dans son centre de santé local il y a 30 ans, elle était la toute première du gouvernorat yéménite de Hadramaout. © UNFPA Yémen
  • 06 Mai 2024

HADRAMAOUT, Yémen – Lorsque Mona a commencé à travailler comme sage-femme dans son centre de santé local il y a 30 ans, elle était la toute première du gouvernorat yéménite de Hadramaout.

« À l’époque, notre région était à mille lieues des soins de santé », raconte-t-elle à l’UNFPA, l’agence des Nations Unies en charge de la santé sexuelle et reproductive. Aujourd’hui responsable du département d’obstétrique du centre de santé Shahir de Hadramaout, elle explique que sa communauté était très pauvre, ne disposait pas d’écoles, d’établissements de santé ni même d’agent·e·s de santé.

« Les femmes devaient faire face à leur grossesse sans suivi ni soins adaptés. La sage-femme traditionnelle, même avec toute la bonne volonté du monde, n’avait que des ressources limitées », ajoute Mona. « De nombreuses naissances se sont terminées par des complications et ont parfois eu une issue fatale. L’hôpital de la ville était hors d’atteinte par manque de moyens financiers, de transport mais aussi de sensibilisation. »

Fatima*, patiente du centre de santé où travaille Mona, confirme cette description : « notre survie dépendait entièrement du hasard, pour les mères comme pour les enfants ».

Le Yémen présente l’un des plus forts taux de mortalité maternelle du monde, et seul un des cinq établissements opérationnels du pays propose actuellement des services de santé maternelle et néonatale. Près de 17,8 millions de personnes ont et auront besoin d’une aide de santé en 2024, dont près de 5,5 millions de femmes requérant des services de santé reproductive.

Mona a voulu changer les choses et s’est inscrite à un programme de formation en obstétrique dans la ville voisine de Mukalla après avoir terminé sa scolarité. Lorsque le centre de santé Shahir a ouvert dans son village, elle a candidaté sans attendre. « Malgré un manque de financement et une équipe à peine suffisante, nous nous sommes battu·e·s sans relâche pour le bien-être des femmes de notre région. »

En tant que pilier des services communautaires de santé sexuelle et reproductive, les sages-femmes sont la principale porte d’entrée vers les services de santé en cas de crise, en particulier pour les personnes les plus marginalisées.

Six femmes, toutes sages-femmes, se tiennent debout devant un bâtiment.
L’UNFPA a remis le centre de santé Shahir en état en 2021 et lui a fourni médicaments et matériel ; des dizaines de sages-femmes qualifiées offrent désormais une gamme complète de services. © UNFPA Yémen

Le changement climatique, générateur d’inégalités

Mona se souvient d’une journée particulièrement éprouvante de 2015, lorsque le cyclone Chapala avait frappé le Yémen alors même que la guerre éclatait. Elle explique qu’avec une équipe de son centre de santé, « nous avons traversé des terrains dangereux à pied pour atteindre des gens désespérés ».

Malgré des vents hurlants et une quasi absence de lumière, « la pensée que trois vies étaient entre nos mains – une femme en plein travail qui accouchait de jumeaux – a renforcé notre détermination et nous avons réussi à arriver à temps ».

Lorsque les catastrophes climatiques ou les conflits frappent, les sages-femmes sont bien souvent en première ligne et constituent le rempart le plus efficace contre les décès maternels évitables. Une étude montre que la crise climatique fait peser des menaces spécifiques sur les femmes et les filles, car les catastrophes peuvent provoquer des complications de grossesse et accroître les risques de naissances prématurées et de fausses couches, entre autres.

Grâce à un financement de l’Union européenne, l’UNFPA a remis le centre de santé Shahir en état en 2021 et lui a fourni médicaments et matériel ; l’agence a aussi soutenu des sessions de formations pour les agent·e·s de santé. Depuis, le taux de mortalité maternelle a chuté dans la région, car des dizaines de sages-femmes qualifiées offrent désormais une gamme complète de services, depuis la santé maternelle jusqu’aux soins obstétricaux, avec l’aide d’une ambulance, mais aussi grâce à une salle d’opération entièrement équipée et des médicaments proposés gratuitement.

« Après les destructions causées par le conflit et les catastrophes climatiques, on se serait cru dans un rêve », déclare Mona. « Les familles de la région, les personnes déplacées qui fuyaient la guerre et les crues ont pu trouver du réconfort ici. »

Une sage-femme debout devant deux femmes dans un centre de santé, tenant un bloc-notes.
Le Yémen présente l’un des plus forts taux de mortalité maternelle au monde, et seul un des cinq établissements de santé encore opérationnels offre actuellement des services de santé maternelle et néonatale. © UNFPA Yémen

La preuve que les investissements changent la donne

Depuis début 2024, l’UNFPA a pu aider plus de 350 000 personnes au Yémen grâce à des soins essentiels de santé reproductive, des services de protection et de l’information, et notamment une assistance à plus de 100 établissements de santé.

Les sages-femmes sont un élément critique de cette intervention, car elles prodiguent des soins adaptés à la culture et sont à la fois des leaders communautaires et des intervenantes d’urgence. Le monde aurait besoin de près d’un million de sages-femmes supplémentaires : un manque d’engagement en faveur de l’investissement dans leur formation, leur développement et leur soutien limite leur action et met en danger les femmes et les filles qui comptent sur leurs services.

Tout comme Mona, de nombreuses sages-femmes doivent composer avec des environnements de travail très difficiles, un salaire faible et un manque d’opportunités professionnelles ; augmenter la couverture des sages-femmes de 25 % permettrait de sauver plus de 2 millions de vies par an d’ici 2035.

Aujourd’hui, Mona va bientôt prendre sa retraite, mais dit être soulagée de passer les rênes de son centre de santé. « Nous avons une équipe de sages-femmes très bien formées, très professionnelles, qui ont toutes les cartes en main pour gérer l’avenir des soins de santé maternelle. »

*Le prénom a été changé pour garantir l’anonymat et la protection de la personne

 

Cet article fait partie d’une série illustrant les progrès effectués depuis la Conférence internationale sur la population et le développement, qui s’était engagée à assurer l’égalité des genres et à garantir le droit à la santé sexuelle et reproductive pour toutes et tous. En savoir plus.

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