« La nuit s’est éclairée aussi vivement que si le jour s’était levé », raconte Samah, 28 ans et mère de trois enfants à propos d’une frappe aérienne récente au Liban.
Ayant subi une césarienne quelques jours avant, Samah a fui vers la frontière syrienne. Lorsque sa voiture s’est révélée incapable de franchir un cratère creusé dans la route par un autre bombardement, elle a été contrainte de continuer à pied avec ses enfants. « J’ai enveloppé mon ventre d’un linge propre, j’ai pris mon fils dans mes bras et je me suis dirigée vers la frontière », ajoute-t-elle.
Heureusement, Samah a pu se rendre dans une clinique près de la frontière. Une équipe médicale soutenue par l’UNFPA, l’agence des Nations Unies en charge de la santé sexuelle et reproductive, a examiné sa plaie chirurgicale et lui a assuré qu’elle et son nouveau-né étaient en bonne santé. « J’ai à nouveau ressenti de l’espoir », explique-t-elle. « On m’a donné des antibiotiques, une solution nutritive, et surtout, on m’a offert un sentiment de sécurité. »
Samah fait partie des chanceuses qui ont pu avoir accès aux soins. Le conflit et la violence qui règnent au Liban à Gaza et en Cisjordanie, et notamment des attaques directes contre les cliniques de santé, les hôpitaux, le personnel médical et même les ambulances, ont plongé les systèmes de santé dans la crise et constituent une violation des droits des femmes et des filles. Comme l’a déclaré la Dr Natalia Kanem, directrice de l’UNFPA, « les soins de santé sont un droit humain fondamental. La population et les infrastructures civiles doivent être protégées. Elles ne doivent jamais être prises pour cibles en cas de guerre. »
Nous vous proposons ici de regarder de près la crise médicale au Moyen Orient, et ce que fait l’UNFPA pour apporter son soutien à la région.
« Nous avons décidé de vivre ou de mourir ensemble », déclare Ola* à l’UNFPA, qui a fui son village de la frontière sud du Liban avec 46 membres de sa famille élargie.
En s’entassant dans cinq voitures, toute la famille a roulé pendant 14 heures dans des embouteillages, avant de trouver un abri dans une université transformée en refuge, dans la banlieue de Beyrouth. « Quitter notre maison nous a brisé le cœur, mais il fallait faire preuve de courage pour nos enfants », explique Ola.
Pour mieux gérer ce traumatisme, elle s’est rendue avec sa famille à des sessions de premiers secours psychologiques proposées par Amel, une organisation humanitaire partenaire de l’UNFPA, qui se concentre sur la santé et les droits humains. Toute la famille était aussi morte d’inquiétude, ne sachant pas si la nièce d’Ola, qui était enceinte, pourrait accoucher en toute sécurité.
En effet, l’accès à la santé maternelle au Liban est de plus en plus difficile. L’escalade de la violence pousse le système de santé du pays, déjà submergé, au bord du gouffre. Une centaine d’établissements de santé et sept hôpitaux ont déjà fermé à ce jour, et quatre autres hôpitaux ne fonctionnent plus que partiellement.
L’UNFPA a dû fermer six de ses 16 centres de soins de santé primaires, dont un dans la région Beyrouth-Mont-Liban, qui permettait à 300 femmes de bénéficier de services de santé reproductive chaque mois, avant d’être touchée par une frappe aérienne en octobre dernier. Une unité mobile qui proposait des soins de santé reproductive dans les zones isolées du pays se trouve dans le même cas. Les espaces sûrs pour les femmes et les filles essuient aussi des tirs, comme celui de la banlieue de Hay Sellom à Beyrouth, récemment détruit par une frappe aérienne.
Les infrastructures détruites, les blocages routiers et la perturbation des chaînes d’approvisionnement limitent aussi la possibilité de proposer une aide vitale.
Dans cette situation chaotique, les personnes déplacées fuient leur foyer sans papiers d’identité ni médicaments. Près de 11 600 femmes enceintes subissent déjà les conséquences de l’escalade des hostilités. Beaucoup d’entre elles sont terrifiées et anxieuses, n’ayant plus de contact avec leurs prestataires de santé et se demandant comment et où elles vont bien pouvoir accoucher.
Par l’intermédiaire de ses partenaires, l’UNFPA fournit à 30 hôpitaux l’équipement et les produits nécessaires pour assurer des soins de santé reproductive, notamment les soins obstétricaux d’urgence, dans le cadre d’une intervention plus large.
Les hostilités qui affectent le Liban s’étendent jusqu’en Syrie, un pays qui souffre de sa propre crise depuis plus de 13 ans. Près de 440 000 personnes ont fui le Liban pour la Syrie depuis fin septembre, dont près de 6 700 femmes enceintes.
L’afflux de personnes en Syrie ajoute encore de la complexité à une situation humanitaire déjà très tendue. L’économie est détruite par des années de guerre, et les besoins humanitaires sont au plus haut depuis 2011, l’année du début de la guerre. Les établissements de santé ont été la cible d’attaques : près de la moitié sont au moins partiellement endommagés, si ce n'est complètement détruits. Des pénuries chroniques d’équipement médical et de médicaments essentiels, encore accentuées par un manque de personnel, sont venues aggraver une situation déjà terrible.
Le stress, la peur et l’épuisement ont particulièrement affecté les femmes enceintes, qui ont du mal à accéder aux soins pré et postnatals et aux services obstétricaux, notamment dans les zones rurales.
À Gaza, le conflit a détruit le système de santé – les hôpitaux, le personnel et les ambulances sont attaqués, assiégés et privés de matériel, d’équipement et de carburant. Aucun hôpital de Gaza n’est entièrement opérationnel, et 17 sur 36 seulement sont encore en activité partielle.
Dans tout Gaza, près de 155 000 femmes enceintes et allaitantes sont confrontées à d’importants obstacles dans leur accès aux soins pré et postnatals, et subissent donc de plus en plus de complications dangereuses au cours de la grossesse et de l’accouchement, alors même que les médicaments essentiels viennent à manquer.
Dans le nord de Gaza, les hôpitaux sont assiégés, et seuls deux sur dix fonctionnent encore partiellement, dans un contexte de graves pénuries de médicaments, de nourriture, de carburant et d’eau. À l’hôpital Kamal Adwan, l’établissement principal pour les soins obstétricaux d’urgence dans le nord, une frappe aérienne a anéanti les dernières fournitures médicales de l’hôpital. Des patient·e·s ont été tué·e·s dans ces attaques, et des membres des équipes médicales ont été blessé·e·s et fait·e·s prisonnier·e·s.
À l’hôpital Al Awda, une femme a été tuée peu après avoir accouché, lorsque l’ambulance dans laquelle elle est arrivée, le tout dernier véhicule que possédait l’hôpital, a été prise pour cible. Son nouveau-né a survécu. L’hôpital n’est approvisionné en eau que deux heures par jour et manque désespérément de fournitures médicales.
Ces attaques ont encore réduit l’accès aux soins de santé maternelle pour les 4 000 femmes enceintes (environ) de la région. Sur tout le territoire de Gaza, on rapporte de plus en plus de décès de femmes pendant ou juste après leur accouchement, et de plus en plus de cas de femmes accouchant seules, sans assistance médicale.
L’UNFPA continue de faire face à de grandes difficultés pour effectuer des livraisons à Gaza. La semaine dernière, huit camions transportant des médicaments vitaux, notamment pour les soins obstétricaux d’urgence, ainsi que 9 000 kits dignité ont pu entrer à Gaza, mais ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan lorsqu’on considère l’ampleur toujours plus désespérée des besoins de la population.
De nombreux produits essentiels restent bloqués dans des camions à la frontière ou stockés dans des entrepôts en Égypte. C’est notamment le cas de 900 kits inter-agences de santé reproductive, qui contiennent des produits pour assurer des accouchements sécurisés et des soins obstétricaux d’urgence ; de 51 tentes haute performance, générateurs et échographes ; de 60 000 kits dignité ; de 6 400 kits postpartum, et de plus de 1,2 million de serviettes hygiéniques.
L’UNFPA appelle à la protection des hôpitaux, à la levée immédiate des restrictions humanitaires à Gaza, à l’approbation de nouveaux itinéraires pour le transport de fret et à la protection du personnel humanitaire et de santé à Gaza.
Tandis que le confit fait rage à Gaza, la population palestinienne de Cisjordanie et de Jérusalem-Est fait face à une crise de santé de plus en plus préoccupante. Les couvre-feux, les attaques contre des établissements de santé et le durcissement des restrictions de déplacement perturbent l’accès aux services.
On estime que 73 000 femmes enceintes vivent en Cisjordanie. Pour celles qui vivent dans des zones dangereuses, se rendre dans un centre de santé pour des soins pré ou postnatals, ou dans un hôpital pour accoucher en toute sécurité est extrêmement difficile. Les points de contrôle sont des obstacles dans l’accès aux soins. Il est par exemple arrivé que des ambulanciers transportant une femme en plein travail depuis le camp de réfugié·e·s d’Arroub (Cisjordanie) jusqu’à un hôpital voisin soient contraints de changer d’itinéraire et de rallonger leur trajet lorsqu’on leur a interdit de passer à l’un des points de contrôle. La patiente a accouché pendant le trajet et le bébé est né sur le bord de la route.
L’UNFPA fournit des équipements médicaux, notamment des dopplers fœtaux et des bouteilles d’oxygène à 11 centres d’urgence, en plus de financer des formations en soins obstétricaux d’urgence, afin que les agent·e·s de santé puissent assurer des accouchements sécurisés aux femmes enceintes qui ne peuvent pas arriver jusque dans un hôpital à cause des restrictions de déplacement.
Le droit international interdit de transformer les hôpitaux en champs de bataille. La sécurité du personnel humanitaire et de santé doit être garantie. Les agent·e·s de santé et les patient·e·s ne doivent en aucun cas risquer leur vie pour fournir ou recevoir des soins. « Le droit humanitaire international et les droits humains doivent être respectés », a affirmé la Dr Kanem. « Un accès humanitaire sûr et sans restriction doit être assuré pour pouvoir aider les personnes qui en ont besoin. Nous avons besoin de paix, tout de suite. »
Si vous souhaitez nous aider à soutenir les femmes et les filles de la région, faites un don à l’UNFPA ici.
*Les prénoms ont été changés pour garantir l’anonymat et la protection des personnes.
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