« Chaque pas était une course contre la mort », racontait en octobre 2023 une femme de 30 ans à l’UNFPA, décrivant sa fuite désespérée alors que des bombes commençaient à s’abattre sur Gaza. En proie aux vertiges et à la fatigue, elle s’était cachée dans l’ombre, cherchant frénétiquement quelque chose qui pour elle n’existait plus désormais : un endroit sûr.
Une année a passé depuis le début de la guerre à Gaza, provoquée par l’attaque menée par le Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, qui a tué plus de 1 200 personnes, fait plus de 5 400 blessé·e·s et a aussi consisté en des actes choquants de violence sexuelle à l’égard des femmes et des filles. 251 hommes, femmes et enfants avaient aussi été enlevé·e·s.
La guerre qui s’en est suivie à Gaza a déclenché des souffrances terribles, en particulier pour les femmes et les filles. Douze mois de bombardements ininterrompus ont déjà tué plus de 41 600 personnes et fait plus de 96 000 blessé·e·s – la plupart des personnes tuées sont des femmes et des enfants. On signale également que les Palestiniennes de Gaza subissent des violences sexuelles terribles, y compris celles qui sont en détention.
On estime que 46 300 femmes enceintes à Gaza sont actuellement confrontées à des niveaux de famine préoccupants. Près de 155 000 femmes enceintes et allaitantes font face à des difficultés critiques dans leur accès aux soins pré et postnatals. Des transports trop chers et une pénurie d’ambulances entravent l’accès aux hôpitaux, dont la plupart ne fonctionnent plus que partiellement.
Nous vous proposons ici un bilan en images des immenses difficultés que les femmes et les filles vivent depuis 12 mois, et des actions de l’UNFPA pour les aider alors que la guerre fait rage.
« Chaque fois qu’il y a un nouveau bombardement, je suis terrifiée. Mes jambes se paralysent. Je ne peux plus marcher, je ne peux plus bouger. Comme j’ai des enfants, il faut que je me lève et que je coure les chercher », expliquait à l’UNFPA une femme enceinte l’an dernier. « J’ai peur pour mes enfants et pour celui à naître. »
Dominic Allen, représentant de l’UNFPA dans l’État de Palestine, déclarait alors : « les femmes enceintes n’ont nulle part où aller, elles sont confrontées à des difficultés inimaginables ». Les choses n’ont fait que s’aggraver depuis.
Aujourd’hui, 11 % seulement de la bande de Gaza n’a pas connu d’ordre d’évacuation depuis octobre 2023. Près de 1,9 sur les 2,1 millions d’habitant·e·s que compte Gaza, soit neuf personnes sur 10, sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays, la plupart l’ayant déjà été plusieurs fois. On estime que 43 580 sont des femmes enceintes qui ne peuvent pas forcément s’enfuir rapidement.
Parallèlement, alors que tous les regards sont tournés vers Gaza, la population palestinienne de Cisjordanie et de Jérusalem-Est connaît elle aussi une escalade de la violence et une crise sanitaire de plus en plus aigüe. Depuis le début de la guerre, chaque jour voit son lot d’opérations militaires, des vagues d’arrestations ont lieu et la violence des colons israéliens augmente dans les villages et les villes de Cisjordanie, ce qui a déjà provoqué le déplacement de plus de 4 555 personnes.
Les Palestinien·ne·s déplacé·e·s à Gaza s’entassent désormais parmi des lacs d’eaux usées, des tas de déchets et des montagnes de gravats, sans accès aux services essentiels pour leur survie – établissements de santé, refuges, eau ou produits vitaux.
Le surpeuplement des refuges, associé au désastre sanitaire en cours et à la rareté du savon et des produits d’hygiène, rend les femmes et les filles encore plus vulnérables à la violence, aux infections et aux maladies. Une femme sur quatre rapporte être atteinte d’une infection cutanée, soit deux fois plus que les hommes ; les femmes représentent également la plupart des cas d’hépatite A et de maladies gastrointestinales.
Vidéo : Gaza attaquée
Les camps sont surpeuplés, les ressources sont rares et les niveaux de stress sont toujours plus élevés : tout cela accroît les risques de violence basée sur le genre pour les femmes et les filles. L’UNFPA propose des soins médicaux et un accompagnement sous des tentes, mais ces services sont limités par un manque d’électricité et de carburant, des restrictions de transport et la rareté de l’argent disponible, ce qui prive les survivantes de violences sexuelles de soins essentiels.
« Nous manquons des produits essentiels à la survie », expliquait à l’UNFPA en novembre dernier Yasmine Ahmed. Soulignant la grave pénurie de fournitures et de médicaments pour les femmes enceintes et les nouveau-nés, elle décrivait les conditions comme « catastrophiques ». En effet, en avril 2024, l’hôpital n’était plus opérationnel puisqu’il était en ruines. Ce n’est que récemment qu’une unité d’urgence a rouvert.
Tout le système de santé a été anéanti par la guerre. Depuis le 7 octobre 2023, on a dénombré 1 108 attaques contre des structures de santé dans le territoire palestinien occupé. Aucun hôpital n'est pleinement opérationnel. Seuls 17 hôpitaux sur les 36 de tout Gaza fonctionnent encore partiellement, et c’est aussi le cas de 57 centres de santé primaires sur 132. Tous ces établissements sont confrontés à de très graves pénuries de carburant, de médicaments et de fournitures essentielles.
Vidéo : À Gaza, des femmes enceintes doivent accoucher par terre dans les hôpitaux
« Les hôpitaux ne sont plus des lieux d’espoir, ni de refuge, ni de soins – nous ne pouvons pas continuer ainsi », se désolait en mars dernier Judith Starkulla, cheffe de bureau de l’UNFPA à Gaza, après une visite à l’hôpital Al-Amal de Rafah (qui ne fonctionne que partiellement). « Gaza a atteint un point de rupture. »
Aujourd’hui, les dommages généraux infligés aux infrastructures de drainage créent une menace de crues à l’approche de l’hiver. À Gaza, un tiers de la population vit dans des zones inondables. Les autorités locales et les partenaires humanitaires craignent que les pluies, l’eau de mer et les eaux usées submergent les tentes, ce qui provoquerait une véritable crise de santé publique au cours des prochains mois.
Vidéo : Une maternité brûle en pleine guerre
« Je me suis enfuie sous les tirs, en courant, en criant et en pleurant à cause des bombes », se souvient Ala’a, qui raconte sa terrible expérience après avoir été contrainte à quitter sa maison en juin dernier pour se mettre à l’abri, alors qu’elle était enceinte de sept mois. « À ce moment-là, j’ai eu peur de perdre mon bébé. »
Elle a toutefois eu de la chance. Elle a réussi à donner naissance en toute sécurité à son fils Mohammad dans un hôpital de terrain de Khan Younis au cours de l’été. « Nous vous sommes reconnaissant·e·s », écrit-elle dans une lettre adressée au personnel de santé qui a travaillé sans relâche pour l’aider à accoucher. « Le bruit des roquettes et des bombes a terni mon bonheur, mais j’ai décidé qu’avec mon bébé, nous surmonterions tout, quoi qu’il arrive. Nous survivrons. » Elle a également souhaité à toute l’équipe de « se revoir en des temps plus favorables. »
Beaucoup d’autres ont malheureusement connu un sort différent. Pour environ 155 000 femmes enceintes et allaitantes à Gaza, la guerre n’est qu’un long cauchemar sans interruption. Épuisées, traumatisées et affamées, elles se heurtent à un grave manque de soins pré et postnatals sur les sites pour personnes déplacées, alors que les cas de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement augmentent et que les médicaments pour les nouveau-nés viennent à manquer.
De nombreux postes de secours ne sont ouverts que quelques heures par jour. Les accouchements d’urgence ont lieu sous des tentes, sans assistance médicale. Il n’y a pas assez de lait en poudre pour les bébés ni de compléments alimentaires pour les femmes enceintes et allaitantes.
Vidé : À Rafah, une sage-femme décrit des accouchements chaotiques
Médecins et sages-femmes signalent que les femmes enceintes arrivant dans les établissements de santé tentent de programmer des césariennes précoces par peur de voir l’accès aux soins médicaux se restreindre davantage. Des nouveau-nés meurent car leurs mères ne peuvent pas bénéficier de soins pré ou postnatals. Le nombre de naissances prématurées ou avec complications ont augmenté. Le personnel infirmier manque bien souvent de matériel, et les médecins déclarent ne plus voir de bébés dont les mensurations indiquent une bonne santé.
Vidéo : Des bébés en soins intensifs ont dû être évacués
Dans le même temps, en Cisjordanie, la majorité des 73 000 femmes enceintes vit dans des zones dangereuses et n’a pas accès aux cliniques de santé pour les soins pré et postnatals, et ne peut pas non plus se rendre à l’hôpital pour y accoucher en toute sécurité.
La faim vient aggraver la crise. Plus de 17 000 femmes enceintes sont désormais au bord de la famine à Gaza, et près de 11 000 femmes enceintes y sont déjà confrontées. La malnutrition accroît les risques de complications mortelles, d’accouchement prématuré et de sous-nutrition chez les nouveau-nés.
Ce qui fait encore empirer la situation des femmes et des filles, c’est la pénurie de serviettes hygiéniques et l’impossibilité d’accéder à des toilettes et des sanitaires privés. Près de 10,3 millions de serviettes hygiéniques sont nécessaires chaque mois pour les 690 000 femmes et adolescentes menstruées à Gaza.
« J’ai une fille de 16 ans. Je découpais des morceaux de tissu pour servir de serviette hygiénique quand nous avions nos règles », expliquait en mars dernier à l’UNFPA Bakiza Mohamed, 47 ans. « Que pouvais-je faire d’autre ? » Une jeune fille de 19 ans déclarait à la même période : « Je n’ai qu’une seule culotte. Je dois la laver dans de l’eau sale, quand j’en trouve, puis la réutiliser. »
Vidéo : Femmes et filles utilisent des morceaux de tissu en guise de serviettes hygiéniques
Les femmes et les filles doivent avoir des serviettes hygiéniques et des produits d’hygiène de base en quantité suffisante, mais aussi accès à des toilettes non mixtes.
Depuis le début de la guerre, l’UNFPA a déjà distribué 6,1 millions de serviettes hygiéniques et 50 800 kits d’hygiène, comprenant sous-vêtements et savon. Ces produits, essentiels au bien-être psychologique des femmes et des filles, offrent une petite lueur d’espoir au milieu de conditions insupportables.
Vidéo : Les besoins humanitaires à Gaza
Pour soutenir les femmes et les filles de Gaza, les initiatives de l’UNFPA comprennent notamment l’établissement de six unités mobiles de santé maternelle, toutes pleinement opérationnelles, mais aussi le déploiement d’équipes de santé sexuelle et reproductive proposant des soins pré et postnatals aux femmes enceintes et allaitantes. L’agence distribue du matériel de santé pour assister les accouchements, de quoi assurer des transfusions et répondre aux besoins en matière d’hygiène (entre autres). Elle fournit des services de prévention et de prise en charge de la violence base sur le genre et recrute des sages-femmes pour assurer des services de santé sexuelle et reproductive.
En Cisjordanie, l’UNFPA distribue des centaines de colis de médicaments pour les soins obstétricaux ainsi que des kits d’accouchement sécurisé, ainsi que du matériel et de l’équipement pour encadrer les accouchements et assurer la continuité des soins obstétricaux et néonatals d’urgence. De plus, elle fournit des appareils médicaux et des formations en soins obstétricaux d’urgence au sein de 10 centres de maternité sans risques. L’agence a également déployé cinq cliniques mobiles et formé 300 bénévoles pour évaluer les besoins de la communauté et mettre en place des initiatives menées par des jeunes pour atténuer la violence et les frustrations.
Vidéo : À Gaza, les sages-femmes reçoivent du matériel essentiel pour assurer les accouchements
L’UNFPA appelle à des financements de 90 millions de dollars (USD) pour répondre aux besoins les plus urgents des femmes et des filles de Gaza et de Cisjordanie entre janvier et décembre 2024. En date du mois d’août dernier, nous avions reçu 36,8 millions de dollars. Nos priorités :
Depuis un an, la population gazaouie a subi douleur, deuil, chagrin et pertes incommensurables. Leur vie est marquée par la peur, la soif, la faim, la maladie, le manque d’installations sanitaires de base. L’UNFPA exhorte à respecter le droit sacré à la santé. La sécurité des services de santé et des travailleurs et travailleuses humanitaires doit être garantie. Les agent·e·s de santé ne devraient pas risquer leur vie pour prodiguer des soins de santé, ni les patient·e·s la leur pour en bénéficier, et les hôpitaux ne devraient jamais devenir des champs de bataille.
Il est grand temps que cette crise se termine ; elle n’a que trop duré. L’UNFPA se fait l’écho d’un cessez-le-feu immédiat et durable, pour assurer à la population de Gaza un avenir sûr et en bonne santé, et à la libération de tous·tes les otages, qui doivent être rendu·e·s à leurs familles. Nous appelons toutes les parties prenantes de ce conflit à respecter leurs obligations en vertu du droit humanitaire international.
Vidéo : Se protéger des bombes dans un hôpital de Gaza
Découvrez ici d’autres informations et comment faire un don pour aider les femmes et les filles de Gaza.
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