Championne du changement : une jeune militante tanzanienne se mobilise pour l’égalité des genres dans sa communauté

MASANGA, République unie de Tanzanie – « Si seulement notre communauté était libre de la violence basée sur le genre, des grossesses adolescentes, du mariage d’enfants et des mutilations génitales féminines, toutes les filles pourraient réaliser leurs rêves », déclare Bhoke*, une adolescente tanzanienne, à l’UNFPA (l’agence des Nations Unies en charge de la santé sexuelle et reproductive).

Bhoke vit avec sa mère et ses frère et sœur dans le village de Masanga, dans la région de Mara, en République unie de Tanzanie. À seulement 18 ans, elle a déjà constaté par elle-même à quel point l’inégalité entre les genres et la violence qu’elle provoque prive les femmes et les filles d’opportunités et étouffe leur potentiel. « J’ai vu beaucoup de filles arrêter l’école à cause de mutilations génitales, de mariage d’enfants et de grossesses adolescentes. Cela m’a fait beaucoup de peine », déplore-t-elle.

Les mutilations génitales féminines se font de plus en plus rares dans le pays, mais près de 8 % des femmes et filles âgées de 15 à 49 ans en font toujours l’objet ; en 2019, près d’un tiers des jeunes Tanzaniennes étaient mariées étant encore enfants, et un quart devenaient mères avant leur 18e anniversaire. Par ailleurs, en 2022, quatre femmes sur dix rapportaient que leur partenaire actuel ou le plus récent leur infligeait des violences physiques, sexuelles ou psychologiques.

Bhoke a décidé de changer les choses. Son objectif a pris forme en 2022 lorsqu’elle a rencontré Bernard Chacha*, jeune bénévole dans une organisation d’autonomisation des jeunes, qui proposait des informations sur leur droit à vivre libres de la violence et de la discrimination. Bhoke a décidé de les rejoindre.

Le programme Chaguo Langu Haki Yangu (« Mon choix, mes droits »), financé par la Finlande et soutenu par l’UNFPA, lui a donné l’occasion de devenir leader de sa communauté en matière d’égalité des genres. « Ce programme m’a informée sur les droits des filles en général et sur la manière de défendre les miens ; j’ai aussi appris que la violence basée sur le genre est une violation des droits humains. Le programme m’aide par ailleurs à prendre des décisions sûres en matière de santé sexuelle », explique-t-elle.

Faire passer le message

Il n’a pas fallu longtemps à Bhoke pour commencer à réfléchir aux moyens de partager dans son école les connaissances acquises au sein du programme.

En novembre 2022, elle a organisé une campagne de sensibilisation dans son école, avec l’aide de M. Chacha, afin de promouvoir l’initiative mondiale annuelle 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre. Elle y a ainsi animé avec lui une session de formation de deux jours, qui a permis de proposer à 150 élèves des ressources pédagogiques sur la prévention des pratiques néfastes en matière de genre. Forte de ce succès, Bhoke a fondé un club hebdomadaire afin de pouvoir continuer s’informer sur l’égalité des genres avec ses camarades et à militer pour son application dans leur vie.

Bhoke est désormais une véritable leader dans sa communauté et a gagné la confiance de ses camarades, qui la sollicitent pour des conseils de prise en charge de la violence basée sur le genre et lui demandent vers qui se tourner pour trouver de l’aide.

Après avoir parlé à Bhoke des abus sexuels qu’un membre de sa famille lui faisait subir, Tomondo*, une autre élève, s’est sentie capable de porter plainte.

« J’ai exposé ses droits à Tomondo, et je l’ai aidé à avoir suffisamment confiance en elle pour aller voir la police et porter plainte », précise-t-elle. « Elle a accepté de dénoncer son agresseur, qui a été arrêté. Sa plainte est maintenant suivie par les autorités locales. »

L’égalité pour tous·tes

Malgré de grands progrès dans la lutte contre les difficultés rencontrées par les femmes et les filles, les mutilations génitales féminines, la violence au sein du couple et les grossesses non intentionnelles restent des réalités quotidiennes pour des milliers de filles comme celles de la communauté de Bhoke. À Mara, l’une des régions les plus pauvres du pays, les taux de mutilations génitales féminines sont trois fois supérieurs à la moyenne nationale, et la moitié des femmes et filles de plus de 15 ans ont déjà subi des violences physiques.

Les leaders communautaires comme Bhoke travaillent d’arrache-pied pour changer le cours de la vie des filles de Mara, et leur plaidoyer, avec l’aide d’investissements dans des programmes comme Chaguo Langu Haki Yangu, a produit des résultats concrets. Entre 2015 et 2022, le taux de violence au sein du couple est passé de 78 à 66 %, et la prévalence des mutilations génitales féminines et des grossesses adolescentes a elle aussi diminué.

Bhoke est convaincue que la lutte contre la violence basée sur le genre, étape par étape, permettra d’aider les filles à réaliser leurs rêves. Elle espère devenir un jour médecin afin de continuer à préserver leur droit à vivre en bonne santé et libres de toute violence

« Les choses changeront si les filles apprennent quels sont leurs droits, qu’elles ont le choix, et comment dire non. Nous pourrons ainsi rendre les adolescentes et les jeunes femmes autonomes, notamment celles en situation de handicap, afin qu’elles puissent revendiquer leur droits à être protégées de la violence et des pratiques néfastes. »

*Les noms ont été changés pour garantir l’anonymat et la protection des personnes.