22 Mai 2023
L’ampleur de la crise qui touche la Corne de l’Afrique est très difficile à appréhender. La région est actuellement frappée par sa pire sécheresse depuis plus de 40 ans.
Le nombre de personnes affecté est préoccupant, les besoins immenses, et les actions de secours sont très loin d’être suffisantes. Les mauvaises récoltes et le manque d’eau, auxquels viennent s’ajouter les conflits dans la région et au-delà, ont provoqué des pénuries alimentaires et une flambée des prix. Des millions de personnes originaires de Somalie, d’Éthiopie et du Kenya luttent pour leur survie, et nombre d’entre elles quittent chaque jour leur maison, par nécessité de chercher un endroit sûr ou de se procurer des ressources.
Les fortes pluies qui se sont abattues récemment et les inondations éclair qui ont suivi ont causé des déplacements et des destructions supplémentaires. Si les pluies sont essentielles pour la survie humaine et celle du bétail, il faudra du temps pour remédier à six saisons consécutives qui ont vu des précipitations insuffisantes.
[Ci-dessus] Une femme guide des ânes transportant des jerrycans aux alentours de l’établissement informel de Gabi'as, en Éthiopie. © UNFPA/Paula Seijo
« Cela me brise le cœur de voir mes enfants affamé·e·s et assoiffé·e·s », se désole Fatuma, 30 ans, mère de quatre enfants.
« La sécheresse nous a causé beaucoup de problèmes. L’eau se fait rare, et nous ne pouvons faire qu’un seul repas par jour. »
[Ci-dessus] Fatuma et ses enfants, dans la hutte qu’ils et elles occupent dans le village de Garsen, situé dans le comté kenyan de Garissa County, n’ont pas suffisamment à boire ni à manger. © UNFPA/Luis Tato
Les femmes et les filles qui subissent cette crise climatique sont exposées à des risques accrus.
Les cas de mariage d’enfants et de mariages forcés, de mutilations génitales féminines, de viol et d’autres formes de violence ont fortement augmenté. On déplore un grand besoin non satisfait en matière de contraception, et dans toute la région, des centaines de milliers de femmes enceintes ont du mal à avoir accès aux services de santé maternelle.
[Ci-dessus] Dans un camp pour personnes déplacées de Kismayo (Somalie), des femmes portent des kits dignité de l’UNFPA, qui contiennent des produits d’hygiène. © UNFPA Somalie
Catherine, âgée de 30 ans, est enceinte de son quatrième enfant. Elle s’inquiète de ce qui se passera lorsque l’accouchement se déclenchera.
Le centre de santé le plus proche est à dix kilomètres à pied, l’eau est rare : elle ne peut pas toujours marcher jusqu’à la clinique pour effectuer son suivi prénatal.
« D’habitude, lorsque le moment est venu d’accoucher, mon mari m’emmène en moto au centre », explique-t-elle. « Aujourd’hui, il s’absente souvent pour chercher de nouveaux pâturages, et je dois être prête à me débrouiller seule si besoin. »
[Ci-dessus] Catherine devant sa maison, dans le village de Lochorepetet à Turkana, au Kenya. © UNFPA/Luis Tato
Les sages-femmes formées par l’UNFPA permettent à plus de femmes d’accoucher sans risque. Le taux de mortalité maternelle en Somalie fait partie des plus élevés du monde. L’accès à des services obstétriques professionnels peut faire la différence entre survie et décès pour les mères et les nouveau-nés.
Isnina est venue à l’hôpital de Banaadir à Mogadiscio depuis une zone touchée par la sécheresse, dans le district somalien de Kahda. Muno, la sage-femme qui a supervisé son accouchement, vient elle aussi d’une zone concernée, dans la région de Shabeellaha Hoose.
On estime que 8,25 millions de personnes (soit près de la moitié de la population somalienne) ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence et de services de protection.
[Ci-dessus] Isnina (à droite) a reçu l’aide de sages-femmes dont Muno, celle qui tient son bébé dans ses bras. Hôpital de Banaadir, Mogadiscio. © UNFPA/Luis Tato
L’unité de soins intensifs pour nouveau-nés de l’hôpital de Banaadir est entièrement financée et soutenue par l’UNFPA.
Il est fondamental que les femmes et les bébés puissent avoir accès à des soins médicaux d’urgence lorsqu’ils et elles en ont besoin. En moyenne, dans le monde, une femme enceinte ou un nouveau-né meurt toutes les sept secondes. Les femmes vivant en situation de crise font partie de celles qui sont le plus à risque. L’UNFPA s’efforce d’éliminer les décès évitables.
[Ci-dessus] Un bébé reçoit des soins vitaux à l’hôpital de Banaadir, à Mogadiscio. © UNFPA/Luis Tato
Pour les femmes comme Catherine qui ne sont pas forcément en mesure de se rendre dans une maternité, l’UNFPA soutient plusieurs services et initiatives mobiles permettant d’aller au plus près des personnes qui en ont besoin, notamment cette moto-ambulance conduite par Mark, qui transporte les femmes afin qu’elles accouchent en toute sécurité.
Mark est bénévole de santé communautaire et nous explique : « les épreuves provoquées par la sécheresse ont mis les femmes en situation de faiblesse et de malnutrition. Je n’ose pas imaginer qu’elles puissent accoucher sans l’assistance d’un·e professionnel·le qualifié·e. Des femmes ont déjà accouché en bord de route, en ayant tenté de se rendre à l’hôpital à pied, parce qu’elles vivaient trop loin d’un établissement de santé. Grâce à la moto-ambulance, même si une femme accouche sur le trajet, elle peut le faire avec dignité, sur un brancard confortable, avec l’aide d’un·e agent·e de santé et la mienne. »
[Ci-dessus] Une moto-ambulance fournie par l’UNFPA facilite le travail de l’hôpital du sous-comté de Katilu (comté de Turkana, Kenya). © UNFPA/Luis Tato
Cinq maternités mobiles lancées en mars 2023 en Somalie vont permettre des accouchements sans risque et proposer d’autres services essentiels.
Ces unités de soins obstétricaux et néonatals d’urgence montées sur camion devraient permettre d’aider entre 250 000 et 375 000 personnes dans cinq districts. De plus, ces unités fournissent également des contraceptifs et des services de planification familiale (pour réduire les besoins non satisfaits), ainsi que des soins médicaux spécialisés pour les femmes ayant subi des viols.
Niyi Ojuolape, responsable UNFPA en Somalie, souligne que ces cliniques « changent la donne », remarquant qu’elles « améliorent l’accès aux personnes les plus isolées et les populations marginalisées, promouvant l’équité dans l’aide humanitaire ».
[Ci-dessus] Cinq maternités mobiles ont été fournies par l’UNFPA via le Fonds d’affectation spéciale pluripartenaires pour la Somalie. © UNFPA Somalie/Mohamud Abdisamad
Kashindi et Queen vivent et travaillent dans la zone d’installation pour réfugié·e·s de Kalobeyei, dans le comté kenyan de Turkana. Comme Mark, ce sont des bénévoles et « défenseur·e·s d’une maternité sans risque ».
Avec l’aide de l’UNFPA, tou·te·s deux effectuent des visites à domicile et proposent aux personnes déplacées des services pré et postnatals essentiels.
[Ci-dessus] Les bénévoles de santé Kashindi (à gauche) et Queen à la maternité du centre de santé de Natukobenyo. © UNFPA/Luis Tato
Alors que les femmes et les filles sont exposées à des menaces croissantes pour leur sécurité personnelle, les services de protection sont un élément clé de l’action de l’UNFPA.
Les chiffres dont nous disposons sont alarmants. En effet :
Les services d’aide sont soit débordés, soit inexistants. Nous devons faire plus.
[Ci-dessus] Une conseillère parle de violence basée sur le genre avec une femme dans une zone isolée et touchée par la sécheresse, près de Katilu, dans le sud du comté de Turkana (Kenya). © UNFPA/Luis Tato
Dans toute l’Éthiopie, y compris dans les zones de sécheresse, les femmes et les filles peuvent composer le 7711 pour parler avec un·e expert·e juridique, recevoir des conseils et avoir rapidement accès à des services d’aide juridique.
Cette ligne d’assistance soutenue par l’UNFPA a été mise en place en 2019 et elle est gratuite. Gérée par l’Association des avocates éthiopiennes (EWLA), elle reçoit jusqu’à 15 appels par jour dans trois langues : l’amharique, l’oromo et le tigrinya.
« La plupart des appels proviennent de femmes ayant besoin de conseils en matière de violence conjugale, de divorce et de pension alimentaire. Les cas de violence basée sur le genre sont également fréquents », explique Feven Gaddisa, une avocate du centre d’appels. « Nous recevons parfois des appels de femmes qui sont en danger imminent, c’est ce qui est le plus difficile dans notre travail. Nous les mettons rapidement en relation avec les personnes référentes de l’EWLA dans leur secteur. Heureusement, nous avons des bureaux et des points focaux dans la plupart des [districts]. Il y a généralement quelqu’un qui peut les aider sans tarder. »
Si les interlocutrices sont en danger, Mme Gaddisa et ses collègues les réorientent vers des espaces sûrs pour qu’elles puissent trouver un refuge et une aide psychosociale.
[Ci-dessus] L’avocate Feven Gaddisa aide les femmes par l’intermédiaire d’une ligne d’assistance téléphonique : elle leur donne des conseils juridiques. © UNFPA Éthiopie
Une réfugiée de Somalie est récemment arrivée au camp de Hagadera, à Garissa (Kenya).
L’UNFPA estime que si des interventions ne sont pas effectuées pour atténuer les risques, près de 28 000 femmes en âge de procréer pourraient subir des violences sexuelles, rien que dans les zones de sécheresse du Kenya.
« Au camp de Hagadera, nous avons vu une hausse de près de 20 % de la population depuis mai 2022, ce qui met une pression énorme sur les ressources disponibles », constate Jane Ambale, une responsable de la protection et de l’autonomisation des femmes auprès de l’International Rescue Committee. L’UNFPA aide l’IRC à effectuer des contrôles de possibles cas de violence basée sur le genre parmi les nouvelles arrivantes. « Notre but est d’identifier les femmes et les filles qui sont survivantes de violence basée sur le genre ou qui sont particulièrement à risque d’en subir, et de leur fournir les informations et les services essentiels dont elles ont besoin », explique Mme Ambale.
[Ci-dessus] Jane Ambale apporte son aide à une femme récemment arrivée à Hagadera, notamment en lui donnant un kit dignité de l’UNFPA, qui contient un sifflet et des produits essentiels d’hygiène. © UNFPA/Luis Tato
Avec l’escalade des risques qui pèsent sur les femmes et les filles, les services vitaux doivent impérativement être intensifiés. Cependant, la demande surpasse de beaucoup les investissements dans la réponse à la crise.
Si la communauté internationale renforce son soutien, l’UNFPA pourra en faire plus pour les femmes, qui peinent déjà à survivre, afin de les protéger de la violence et de leur permettre d’accoucher en toute sécurité.
[Ci-dessus] Un robinet situé devant le centre de santé de Kabassa, à Doolow (Somalie). La pénurie d’eau est l’une des multiples crises subies par les femmes et les filles qui vivent la crise climatique de la Corne de l’Afrique. © UNFPA/Luis Tato
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