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Au Sahel, où la maternité tue, des sages-femmes sauvent des vies
- 22 Novembre 2019
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SÉBOUGOU, Mali – Un jour, alors qu’elle conduisait sur la route nationale, Fatoumata Diallo a transporté une femme enceinte qui revenait à pied d’une consultation prénatale à plus de 10 kilomètres de là, une distance bien trop longue pour une femme dans son état. Ce n’était pas la première fois qu’elle constatait ce type de difficulté dans son village natal de Sébougou, au Mali.
« J’ai grandi ici, et j’ai vu à quelles difficultés les femmes et les enfants doivent faire face », explique Mme Diallo. Le bus qui relie le village aux villes les plus proches ne circule plus après la tombée de la nuit, et la seule structure de santé de Sébougou manque cruellement de personnel et d’équipement de base.
Lorsque Fatoumata a entendu parler d’une nouvelle formation de sage-femme proposée par le projet Autonomisation des femmes et dividende démographique au Sahel (SWEDD), elle n’a pas hésité à s’y inscrire. Après sa formation de sage-femme, elle a décidé d’ouvrir son propre cabinet privé, et sauve à présent des vies.
« Donner naissance à un enfant est quelque chose de merveilleux », raconte-t-elle. « Quand une femme accouche et qu’elle et son enfant sont en bonne santé, c’est un moment de très grande joie ».
Selon les données du SWEDD, le Mali comptait en 2016 seulement 2 657 sages-femmes et infirmières obstétriciennes, c’est-à-dire 1,4 pour 10 000 habitants. Ce ratio est bien inférieur aux normes de l’Organisation mondiale de la santé, dont la recommandation est de 23 médecins, infirmières ou sages-femmes pour 10 000 habitants.
Au Mali, il est particulièrement urgent que ces services soient accessibles, à cause du nombre très élevé de mères et de nouveau-nés vulnérables. Selon une enquête démographique de 2018, près de 36 % des adolescentes maliennes avaient déjà des enfants. La grossesse et l’accouchement sont les principales causes de décès chez les adolescentes, et leurs nouveau-nés présentent également des taux plus élevés de complications dangereuses.
En plus des soins de base, le cabinet de Mme Diallo propose des soins pré et postnatals, et assure également des accouchements. Ces services ont permis de réduire la mortalité maternelle et infantile au sein de la communauté locale.
Comme dans tout hôpital moderne, on prend dans cette clinique la tension et la température de chacune des femmes qui y entre. Un·e médecin vérifie ensuite l’abdomen et prescrit une échographie pour confirmer la grossesse.
Mme Diallo parle également à ses patientes de planification familiale et leur fournit ce dont elles ont besoin.
« Quand une femme souhaite avoir un moyen de contraception, nous [lui] présentons toutes les méthodes possibles. Nous sommes équipés de dispositifs intra-utérins (DIU), de préservatifs, de bracelets permettant de suivre ses cycles, de la pilule et d’injections », explique Mme Diallo. « [Ensuite], c’est à elle de réfléchir et de décider quelle méthode elle souhaite utiliser ».
L’accès à la planification familiale moderne est très rare dans la plus grande partie du Sahel, où la mortalité néonatale et maternelle affiche des taux parmi les plus élevés du monde. Les femmes enceintes manquent d’accès aux services adaptés pour leur accouchement, surtout dans les zones rurales de la région.
Les formations pour sages-femmes ne sont qu’une petite partie de ce que propose le projet SWEDD. L’initiative, qui opère à l’échelle de la région, a pour but d’offrir un meilleur statut aux femmes et aux filles, d’améliorer leur santé, leurs perspectives scolaires et leurs futures possibilités de gagner leur vie. L’objectif général est d’aider la région à atteindre ce que l’on appelle le dividende démographique : avec sa population jeune, le Sahel pourrait améliorer son développement et sa croissance économique par l’autonomisation des femmes et des filles, en leur permettant de réaliser leur potentiel grâce à l’éducation, la planification familiale et d’autres investissements sociaux.
Le projet SWEDD est financé par la Banque mondiale et mis en œuvre par les gouvernements du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad, grâce à un soutien technique de l’UNFPA.
En particulier, l’UNFPA soutient les efforts du SWEDD pour fournir une formation initiale et renforcer les capacités des organismes de formation des sages-femmes ou des lieux de stages, ainsi que pour développer et mettre à jour le programme de formation. L’UNFPA aide également à former les sages-femmes en créant et mettant en œuvre un programme de mentorat dans les cliniques des zones isolées, et en construisant des réseaux de soins obstétriques et néonataux d’urgence dans les pays participants.
Le projet SWEDD a jusqu’ici permis de former plus de 6 000 sages-femmes dans les pays concernés.
Mme Diallo est ravie de l’accueil chaleureux qu’elle a reçu de la part de ses patientes et de sa communauté depuis l’ouverture de son cabinet en 2016. Aminata, la première femme à avoir accouché dans sa clinique, était si heureuse d’avoir pu s’y rendre facilement à pied qu’elle a donné à sa fille le prénom de Mme Diallo.
Elle remercie Mme Diallo pour les soins qu’elle lui a prodigués.
« [Mme Diallo] vous vient en aide lorsque vous en avez besoin. C’est à cela qu’on reconnaît quelqu’un de bien », déclare-t-elle. Elle espère que sa fille deviendra sage-femme elle aussi lorsqu’elle sera grande.
Une première version de cet article avait été publiée sur www.worldbank.org.