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Au Bangladesh, des épouses enfants luttent contre la violence basée sur le genre

Des militantes communautaires assistent à une session organisée par le programme SASA!Together visant à sensibiliser à la violence basée sur le genre. © UNFPA Bangladesh/Farjana Sultana
  • 16 Décembre 2022

COX'S BAZAR, Bangladesh - « J’ai été mariée à l’âge de 14 ans, et j’ai perdu mon premier enfant à 16 ans, pendant ma grossesse ». Ranu Chakma, aujourd’hui âgée de 18 ans, explique que la maternité à l’adolescence n’est pas chose rare dans son village de Teknaf Upazila, sur la côte sud du Bangladesh. 

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Ranu Chakma, 18 ans, est bénévole et travaille pour la prévention et l’atténuation des risques de violences faites aux femmes dans sa communauté de Cox’s Bazar (Bangladesh).  © UNFPA Bangladesh/Farjana Sultana

À cause des normes sociales néfastes qui ont cours dans la région, les filles issues des familles les plus pauvres se voient souvent refuser une éducation, ce qui est pourtant un droit fondamental, et de nombreux parents de milieux défavorisés marient leurs filles très jeunes dans l’espoir d’alléger leur charge financière.

« Comme je viens d’un foyer pauvre, je n’ai pas pu aller plus loin que la deuxième année d’école primaire, et mes frères et sœurs non plus », raconte Ranu, évoquant les difficultés qu’elle doit affronter, comme de nombreuses femmes et filles des groupes marginalisés de sa communauté.

Au Bangladesh, plus de la moitié des filles sont mariées avant d’avoir 18 ans, et plus de 15 % le sont avant leurs 14 ans, ce qui constitue l’un des plus forts taux de mariage d’enfants du monde. Le mariage d’enfants est une violation des droits de la personne et une forme de violence basée sur le genre : les épouses enfants ont beaucoup moins accès aux informations et aux services de santé sexuelle et reproductive, ce qui accroît pour elles le risque de connaître une grossesse non intentionnelle ou de contracter une infection sexuellement transmissible, notamment le VIH. Nombre d’entre elles n’ont pas la possibilité de poursuivre leur scolarité, ce qui entame beaucoup leur capacité à gagner leur vie une fois adultes. De plus, les filles qui sont mariées précocement peuvent subir des pressions pour tomber enceintes et accoucher alors qu’elles sont encore elles-mêmes des enfants, ce qui met en danger leur vie autant que celle de leur bébé ; c’est d’ailleurs la principale cause de mortalité dans le monde chez les adolescentes.

Rêver d’un avenir meilleur

Pour combattre cette inégalité des genres et défendre les autres filles de son village, Ranu a rejoint un groupe d’activistes soutenu par l’UNFPA, Start, Awareness, Support, Action (SASA!Together) – ce qui signifie en français « Commencer, sensibiliser, soutenir, agir ». Il a été formé en décembre 2020, à la suite de rapports alarmants de violences au sein du couple dans la région de Cox’s Bazar. Il regroupe des filles, des garçons, des femmes et des hommes dans la prévention et l’atténuation des risques de la violence basée sur le genre, et remet en question les déséquilibres de pouvoir très enracinés entre les hommes et les femmes. Les participant·e·s viennent à la fois de communautés Rohingya et de communautés d’accueil, des groupes vulnérables à cause des tensions provoquées par le déplacement de masse.

« Comme je n’ai jamais eu la chance d’avoir la moindre éducation formelle, je suis passionnée par tout ce que je découvre grâce à SASA!Together. Je me suis renseignée sur les nombreuses dimensions du pouvoir et leurs mauvais usages dans la société, et j’ai appris comment désamorcer cela au sein du foyer, mais aussi au sein de la communauté dans son ensemble », explique Ranu à l’UNFPA.

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Shwapna et son amie Shantimala discutent des violences faites aux femmes et aux filles, avant une session d’information et de sensibilisation auprès des membres de leur communauté, à Teknaf (Cox’s Bazar). © UNFPA Bangladesh/Farjana Sultana

Les participant·e·s aident également les autres membres de leur communauté à militer contre la violence et l’injustice, ayant déjà mobilisé plus de 300 000 personnes dans 17 camps pour personnes déplacées et quatre communautés d’accueil. L’approche du groupe passe par des campagnes, des formations, des sessions de partage de connaissances, des travaux de groupe et des discussions visant à informer, partager et sensibiliser à la violence basée sur le genre et aux différents services disponibles de prévention et de protection.

« Je veux transmettre ces compétences et ces informations à mes enfants, pour qu’ils et elles n’aient pas à subir les difficultés qu’a connues ma génération. Je veux leur permettre d’acquérir en grandissant des capacités de résilience, de conscience et de défense de leurs droits », déclare Ranu.

Construire une génération autonome

Ces deux dernières années, SASA! a formé plus de 4 800 activistes, y compris des leaders religieux et religieuses des communautés Rohingya et des communautés d’accueil. Son approche a depuis été étendue à plus de 30 espaces sûrs pour femmes et 10 centres communautaires dirigés par des femmes, soutenus par l’UNFPA, dans tout le Bangladesh.

Shantimala et Shwapna sont également originaires de Teknaf, et sont bénévoles au sein du programme depuis qu’elles ont 15 ans. Elles suivent ensemble des sessions après l’école pour s’informer sur les violences faites aux femmes et aux filles et sur les actions pour les prévenir, des connaissances qui leur ont été très utiles.

Shwapna précise à l’UNFPA : « Mes parents ont voulu me marier quand j’avais 13 ans. J’ai supplié mon père d’y renoncer, mais il a refusé ». Shantimala l’a alors aidée à contacter une militante communautaire, qui s’est rendue chez Shwapna et a discuté des répercussions du mariage d’enfant avec ses parents. « Mon mariage a été annulé, et mon père m’a permis de continuer ma scolarité », poursuit-elle.

« Aujourd’hui, je transmets ces réflexions à mes voisin·e·s et aux autres membres de ma communauté. Je me bats pour que les adolescentes aient les mêmes opportunités d’éducation et de carrière que les garçons. »

En 2021, grâce aux centres de crise polyvalents (qui regroupent plusieurs services en un seul lieu), aux espaces sûrs pour femmes et aux centres communautaires, l’UNFPA a pu aider 60 000 personnes de la communauté de Cox’s Bazar en leur apportant des informations sur la violence basée sur le genre, ainsi que 260 000 femmes et filles grâce à des services de prévention et de prise en charge de la violence. En plus d’actions de sensibilisation, ils proposent des soins de santé reproductive et une aide psychosociale, une prise en charge clinique des cas de viol, et des orientations adaptées vers des services d’assistance juridique et médicale.

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