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Au Liban et en Syrie, les déplacements massifs de femmes enceintes nécessitent la mobilisation des services de santé maternelle
- 30 Octobre 2024
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BEYROUTH, Liban/ DAMAS, Syrie – Plus de 11 000 femmes enceintes sont touchées par l’intensification des bombardements au Liban. Environ 1 300 d’entre elles devraient accoucher dans les prochaines semaines, alors qu’on estime qu’un quart de l’infrastructure du pays a été détruite. Déjà débordé avant la crise actuelle, le système de santé est au bord de l’implosion : quelque 100 centres de soins de santé primaires et dispensaires ont fermé, tout comme de nombreux hôpitaux.
Le conflit au Liban « a récemment pris une tout autre nature et dimension », a déclaré la semaine dernière le Secrétaire général des Nations Unies, déplaçant plus d’un million de personnes, dont beaucoup ont traversé la frontière pour atteindre la Syrie, elle-même ravagée par les combats.
Lorsque les bombardements ont commencé au sud du Liban, « nous ne savions pas où aller », témoigne Soumaia auprès de l’UNFPA, l’agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive. « Nous n’avions aucune famille, aucun proche vers qui nous tourner. »
Alors que Soumaia était enceinte, son mari et elle ont fui avec leurs huit enfants. La famille a pris la route pour la Syrie, pour découvrir après quatre jours de voyage et peu de nourriture que les frontières étaient fermées.
Il leur a fallu plus de jours encore pour pouvoir entrer dans le pays, puis pour se rendre dans un refuge à Al-Horjelah, dans la campagne de Damas.
C’est là qu’elle a été victime d’une interruption spontanée de grossesse : « Des douleurs aiguës et des crampes m’ont réveillée au milieu de la nuit. Quand je suis allée aux toilettes, je me suis rendu compte que quelque chose n’allait pas. J’étais dans mon cinquième mois de grossesse, et j’ai perdu mon bébé. »
Soumaia a été transportée en urgence à la maternité, où les médecins ont réussi à retirer le placenta et à contrôler son hémorragie. « Perdre mon bébé au milieu de tout ce chaos a été le coup de grâce », explique-t-elle.
Des personnes déplacées, encore et encore
La majorité (environ 52 %) des personnes déplacées internes au Liban sont des femmes et des filles, comme Dania*. Elle a été contrainte de fuir à trois reprises depuis le début du conflit, dont deux fois au cours de sa grossesse.
La première fois, elle a fui sa maison à Kfar Kila, à la frontière sud du Liban, en novembre 2023. Elle était alors enceinte de quatre mois, et les frappes aériennes s’intensifiaient dans son village. Son mari, leur fils de quatre ans et elle ont emménagé chez des proches à Nabatieh, puis chez la famille de Dania, également déplacée. En mai 2024, elle a donné naissance par césarienne à une petite fille, Aya, à l’hôpital Sheikh Raheb.
« Nabatieh a ensuite été attaquée en septembre. Nous étions en mode de survie et nous avons dû immédiatement quitter la ville, mais nous ne savions pas du tout où aller, et nous avions déjà dépensé toutes nos économies », déclare Dania.
« Le premier bombardement aérien a frappé tellement près », se remémore-t-elle. « Mon mari était sorti marcher avec mon fils, et pendant quelques minutes, j’ai cru qu’ils étaient morts. Mon premier instinct a été d’arracher Aya des bras de ma sœur, comme si elle allait être plus en sécurité dans mes bras, et de sortir en courant pour chercher le reste de ma famille. Je ne me suis pas rendu compte que j’avais temporairement perdu l’audition, je n’entendais pas ma mère crier, “Ils sont juste devant la maison, tu peux les voir par la fenêtre”. »
La famille a quitté Nabatieh pour Beyrouth, où elle s’est installée dans le collège Basta, un refuge temporaire accueillant des dizaines de familles.
« Nous partageons maintenant une salle de classe avec le frère de mon mari et trois membres de sa famille », précise Dania à l’UNFPA. Aya, désormais âgée de six mois, est la plus jeune du refuge, mais plus pour longtemps : deux autres résidentes sont enceintes.
Soutenir les services de santé
L’UNFPA soutient les services de santé maternelle pour les femmes enceintes déplacées dans 30 hôpitaux à travers le Liban. Ce soutien comprend la couverture des coûts des procédures et la fourniture des médicaments et des provisions permettant de garantir la sécurité des accouchements et d’assurer des soins obstétricaux d’urgence. Des provisions, des contraceptifs et des médicaments de santé reproductive ont également été livrés à 70 centres de soins de santé primaires à Akkar, Aley, Chouf, Saida, Tyr, Tripoli et Zahlé.
À travers le pays, l’UNFPA déploie en outre des unités médicales mobiles dans les refuges pour évaluer les besoins, assurer la prestation de services de santé de base, et orienter la patientèle nécessitant des soins supplémentaires. Des sessions de remise à niveau portant sur les soins obstétricaux d’urgence sont également organisées au profit du personnel des hôpitaux publics afin d’aider les prestataires de santé à reconnaître les signes inquiétants au cours des grossesses, à identifier les infections touchant le système reproductif et à prescrire des moyens de contraception.
L’UNFPA soutient également les services médicaux et psychosociaux en Syrie, notamment par le biais de partenaires comme l’Association syrienne de planification familiale.
Au refuge Al-Horjelah, Soumaia a reçu l’aide de l’Association syrienne de planification familiale après avoir tragiquement perdu son bébé.
« On m’a donné des vitamines et des antidouleurs, ainsi qu’un kit d’hygiène. On a aussi donné des médicaments et de l’alimentation à mes enfants », se souvient Soumaia. « Je n’avais même pas de vêtements pour mes enfants et moi-même. Mais l’association a contacté d’autres organisations qui nous ont permis d’obtenir ce dont nous avions besoin. »
Elle a également bénéficié d’une aide psychosociale pour l’accompagner dans son deuil. « La psychologue m’a écoutée. Elle ne m’a pas pressée et ne m’a pas jugée. Pour la première fois depuis le début de ces événements, je me suis sentie écoutée. »
* Les noms ont été modifiés pour garantir l’anonymat et la protection des personnes.