Donner la vie sur le front ukrainien : l’organisation des femmes et des professionnel·le·s de santé en temps de guerre

ODESSA, Ukraine – Comme de nombreux futurs parents, Oleksandra et Oleksandr Chebotar attendaient la naissance de leur fille avec impatience. Mais sa venue au monde ne s’est absolument pas déroulée comme ils l’avaient imaginé.

Dans la ville portuaire d’Odessa, au sud de l’Ukraine, le couple s’était rendu à la maternité N°5, un établissement réputé pour ses soins maternels complets et dont la prise en charge de la naissance de quintuplés lui a valu une renommée locale. Alors que Mme Chebotar venait d’accoucher de sa fille, une sirène alertant d’un raid aérien a retenti dans la ville, régulièrement ciblée par les missiles et les drones russes.

À l’aide d’une couveuse de transport, l’équipe médicale a rapidement déplacé le nouveau-né et ses parents paniqués, ainsi que d’autres patient-e-s, dans l’abri antiaérien du sous-sol de l’hôpital.

Les couveuses de transport sont équipées pour maintenir de façon optimale la température, l’humidité et l’oxygène et sont dotées d’un respirateur artificiel. Fournies par l’UNFPA, l’agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive, elles permettent de pallier les difficultés rencontrées par les hôpitaux ukrainiens en matière d’équipements et de services maternels et néonataux.

Depuis le début de l’invasion massive russe, la maternité n°5 a constaté une augmentation de 12 % des complications liées à l’accouchement. « Le stress et les perturbations découlant du conflit ont engendré une hausse des césariennes et des accouchements prématurés », a expliqué le Dr Igor Shpak, obstétricien en chef à la maternité. « Les femmes enceintes ne viennent pas seulement d’Odessa, elles arrivent également du sud, près du front. »

Le prix humain

La construction de nouveaux bunkers souterrains s’est avérée essentielle pour aider et protéger les femmes enceintes en Ukraine. La maternité N°5 a récemment renforcé son abri antiaérien pour assurer sa sécurité, ainsi que ses installations médicales nécessaires afin de garantir la continuité des services de santé lors des attaques.

Radionova Alevtyna Viktorivna attendait elle aussi un examen prénatal à l’hôpital lorsque la sirène a retenti. « Nous avons besoin d’espaces sécurisés et bien équipés, où les femmes peuvent poursuivre leur grossesse en toute sécurité, malgré les menaces permanentes », a-t-elle déclaré à l’UNFPA.

La situation dans les maternités d’Odessa reflète une crise plus globale affectant le système de santé ukrainien, qui a besoin d’un soutien et d’une attention globale en urgence afin d’améliorer les conditions de soins maternels et néonataux.

L’infrastructure énergétique d’Odessa, comme celle de tout le pays, continue d’être la cible d’attaques répétées qui entraînent des interruptions majeures et une augmentation des coûts des services de base. Les dégâts infligés aux lignes électriques et aux capacités de génération de courant ont engendré une explosion du prix de l’électricité et du chauffage, mettant davantage de pression sur des familles déjà en difficulté. Ces attaques affectent non seulement les conditions de vie quotidienne, mais entravent également les capacités des hôpitaux à assurer la continuité des soins alors que les équipements et les services médicaux sont susceptibles d’être interrompus à tout moment.

Au cours du premier semestre 2024, l’OMS a confirmé 160 attaques contre des établissements de santé en Ukraine, qui ont privé des femmes et des nouveau-nés d’accès aux services essentiels.

La crise du système de santé s’aggrave

Les bombardements incessants pèsent également lourd sur la santé mentale de la population, notamment les femmes enceintes. La détresse psychologique aggrave les conditions déjà difficiles dans lesquelles ces femmes doivent porter leur bébé et le mettre au monde.

Les ressources gouvernementales s’amenuisent à mesure que le conflit s’éternise, affaiblissant par la même occasion les systèmes de santé et les services sociaux. L’UNFPA œuvre pour pallier les manques critiques, en particulier en matière de santé sexuelle et reproductive et de droits associés, en distribuant des médicaments, des fournitures pharmaceutiques et des équipements médicaux et en apportant un soutien vital aux femmes d’Odessa pour leur permettre de mener leur grossesse à terme en toute sécurité.

La maternité N°5 a reçu cette aide dans le cadre des activités d’intervention humanitaire de l’UNFPA en Ukraine, avec le soutien financier du Canada, du Danemark, de l’Union européenne, de la France, du Japon, de la République de Corée, des Pays-Bas et de l’Espagne.

« Il faut que le monde voie ce qui se passe ici, » a imploré le Dr Shpak. « Nos mères et nos bébés méritent mieux, et nous continuerons à assurer ces services essentiels. »