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Éviter et atténuer les conséquences sanitaires des MGF/E en Éthiopie

Sadiya (à droite) à l’hôpital avec sa mère. Photo © UNFPA Éthiopie/Abraham Gelaw
  • 18 Juin 2013

RÉGION DE L’AFAR, Éthiopie — Sadiya Abubakar, 10 ans, a longtemps souffert. Uriner, une fonction naturelle qui devrait aller de soi, était devenu un véritable calvaire pour elle.

Sadiya a été infibulée lorsqu’elle avait tout juste 7 jours. L’infibulation, la forme la plus sévère de mutilation génitale féminine et d’excision (MGF/E), consiste à retirer la totalité du clitoris, des petites lèvres et des grandes lèvres, puis à suturer ou sceller la plaie en laissant seulement un petit orifice pour l’écoulement de l’urine et des règles. Dans cette situation, il faut souvent déchirer les tissus restants lors du premier rapport sexuel, ce qui est très douloureux.

Les filles subissent souvent cette intervention à l’âge de 7 à 9 ans. Mais dans certains districts de la région de l’Afar comme celui dont Sadiya est originaire, elle est réalisée dans les jours qui suivent la naissance. Cette pratique entraîne souvent chez les bébés un traumatisme et des douleurs intenses, un choc septique, des hémorragies, une infection généralisée, une rétention urinaire, des ulcérations génitales, des infections urinaires, etc.

Une miction difficile et douloureuse

Sadiya avait l’habitude d’uriner goutte à goutte. Mais ces derniers temps, un gonflement était apparu autour du petit orifice, empêchant tout écoulement d’urine. Avec sa mère, elle a fait un long chemin pour venir consulter à la maternité Barbara May de la ville de Mille. Son infibulation a été ouverte et un kyste a été retiré : elle peut maintenant uriner normalement.

Cet établissement créé en septembre 2011 est géré par l’Association pour le développement du pastoralisme Afar (APDA), partenaire local de la mise en œuvre du Programme conjoint UNFPA-UNICEF pour l’accélération de l’abandon des MGF/E. Outre des services obstétricaux plus classiques, l’hôpital traite les cas comme celui de Sadiya et beaucoup d’autres problèmes médicaux liés aux MGF/E.

Les victimes de MGF/E sollicitent de l’aide

 

Maternité Barbara May. Photo © UNFPA Éthiopie/Abraham Gelaw

Selon le directeur médical de l’hôpital, Dr Shimeles[CH1]  Fantu, qui a opéré Sadiya, ce petit établissement soigne chaque semaine jusqu’à 50 cas de complications urinaires et obstétricales en rapport avec les MGF/E. Presque toutes les filles et femmes qui viennent consulter sont victimes de cette intervention nocive. Bien que le rayon d’action de l’hôpital soit normalement de 250 km, des patientes comme Sadiya parcourent une plus grande distance encore pour bénéficier des services spécialisés qu’il propose.

L’un des principaux objectifs du Programme conjoint est de renforcer le rôle des services publics de santé dans la prévention des MGF/E et, lorsque cela est possible, dans l’atténuation de leurs effets négatifs sur la santé des filles et des femmes. Le personnel médical et les agents de santé œuvrant dans les zones d’intervention du programme ont été formés pour identifier les conséquences néfastes des MGF/E et, dans de nombreux cas, traiter les complications médicales qui en découlent.

Les agents de vulgarisation informent les communautés des conséquences sanitaires

Selon le rapport annuel 2011 du Programme conjoint, 43 professionnels de la santé et de nombreux agents de vulgarisation pour la santé des femmes ont été formés et travaillent à plein temps dans le cadre du Programme conjoint afin d’intégrer la prise en charge des complications associées aux mutilations génitales aux services de santé de la reproduction dans plusieurs districts de la région de l’Afar. La maternité Barbara May de Mille ainsi qu’un centre de soins et trois postes sanitaires incorporent aujourd’hui les interventions relatives aux MGF/E à leurs services de santé maternelle et infantile.

Considérer les MGF/E sous l’angle de la santé – en établissant des liens entre ces pratiques et la mortalité excessive, les complications en rapport avec la maternité et les traumatismes – s’avère un point d’entrée efficace pour faire évoluer les attitudes des communautés. Les MGF/E sont maintenant abordées lors des séances d’éducation à la santé conduites tous les mois dans les écoles de la région par les agents de vulgarisation sanitaire, des agents de santé communautaires déployés dans les zones rurales par le gouvernement. Elles font également partie des sujets dont ces agents discutent lorsqu’ils se rendent dans les foyers pour assurer des services. Cette approche très pragmatique est particulièrement utile dans la région de l’Afar, où les éleveurs se déplacent souvent en quête de nourriture et d’eau pour leurs animaux.

Formation et déploiement de femmes issues des communautés locales

Dans les régions où le gouvernement ne finance pas d’agents de vulgarisation sanitaire, l’APDA a formé et déployé des femmes, sélectionnées dans leurs communautés respectives, pour effectuer un travail de sensibilisation et diffuser des messages sur la maternité sans risque et les dangers de certaines pratiques traditionnelles.

La région de l’Afar est l’un des endroits les plus chauds et les plus secs de la planète. Selon l’enquête démographique et de santé réalisée en 2005, il s’agit de la deuxième région d’Éthiopie en termes de prévalence des MGF/E, après la région Somali, avec des taux de prévalence respectifs de 91,6 % et 97%. Pourtant, grâce à l’engagement des responsables politiques régionaux, y compris le président de la région lui-même, à l’implication des chefs religieux et des conseils des anciens et à la participation de la communauté au niveau local, la jeune génération est en train de mettre fin aux MGF/E.

Baisse du taux de prévalence

Selon Zahra Humed, responsable du Bureau des femmes, de l’enfance et de la jeunesse de la région de l’Afar, la prévalence des MGF/E a chuté ces dernières années pour atteindre 58 %. Cinq des six districts de la Zone 3 de la région, dans laquelle le Programme conjoint opère, ont publiquement annoncé l’abandon collectif de ces pratiques. Par ailleurs, les données recueillies au niveau des sous-districts et des communautés montrent que le nombre de filles non excisées dans les six districts a dépassé le seuil des 7 000 depuis le lancement du Programme conjoint. Les parents de ces filles expriment souvent leur joie d’élever des enfants libérés des conséquences et des complications des MGF/E.

Cependant, malgré les immenses efforts déployés pour parvenir à une génération sans MGF/E dans la région de l’Afar, beaucoup trop de filles et de femmes victimes de ces pratiques, comme Sadiya, continuent d’endurer de graves complications médicales. Dans le même temps, la reconnaissance du fait que ces conséquences sanitaires sont associées aux mutilations génitales incite les communautés à mettre fin à ces pratiques. La mère de Sadiya, qui a été témoin des intenses souffrances de sa fille, déclare remercier Allah qu’elle soit désormais en bonne santé et fait le serment de ne jamais faire subir à une autre fille l’enfer des MGF/E.

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