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Neuf choses à savoir sur la menstruation et la pandémie
- 28 Mai 2020
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Cet article est le fruit d’une collaboration entre l’UNFPA et l’UNICEF, deux agences chefs de file dans l’effort pour assurer la santé et les droits de toutes les personnes menstruées.
NATIONS UNIES, New York – Les règles (ou menstruation) sont mal comprises et stigmatisées dans le monde entier, et cela pourrait empirer avec la pandémie de COVID-19. Ci-dessous, nous abordons neufs points sur les règles et la pandémie, en expliquant également les mesures qui doivent être prises dans chaque cas.
Les règles sont un phénomène sain et normal. Elles ne sont pas un signe de maladie. Actuellement, certains mythes sur le rapport entre règles et COVID-19 circulent toutefois.
En Chine, par exemple, certaines personnes ont entendu dire que les règles augmenteraient la vulnérabilité au coronavirus. En Tanzanie, les rumeurs disent que les règles sont un symptôme du COVID-19, ou que les personnes menstruées sont plus susceptibles de transmettre la maladie. Ces mythes ne sont fondés sur aucun fait médical, et peuvent accroître la stigmatisation qui existe déjà autour de la menstruation.
La pandémie a cependant bel et bien un impact sur l’expérience de la menstruation. Les restrictions de déplacements liées à la pandémie ainsi que la fermeture d’établissements de santé affectent l’accès aux services de santé sexuelle et procréative, y compris pour les problèmes de santé liés à la menstruation, comme l’endométriose ou les migraines. Les retombées économiques de la pandémie limitent l’accès aux produits d’hygiène menstruelle, et le stress induit par cette pandémie peut affecter les cycles menstruels, ainsi que les effets physiques et émotionnels pénibles qui y sont liés (syndrome prémenstruel).
Les ruptures de stocks et les perturbations des chaînes d’approvisionnement peuvent empêcher l’accès des communautés aux serviettes hygiéniques, tampons et autres produits d’hygiène menstruelle. Les responsables politiques doivent s’assurer que ces produits essentiels restent disponibles.
En Chine, comme les serviettes hygiéniques n’étaient pas listées comme produits de première nécessité au début du confinement, les fournisseurs ont dû faire face à des problèmes de livraison, ce qui a poussé les décisionnaires à agir. En Inde, les serviettes hygiéniques ont été déclarées produits de première nécessité par les responsables politiques, pour limiter les obstacles à leur fabrication et à leur distribution.
Il ne doit y avoir aucune ambiguïté : ces produits (serviettes, tampons, coupes menstruelles, serviettes lavables, médicaments contre la douleur, savon) sont une priorité pour la santé, la dignité et le bien-être de toutes les personnes menstruées.
Les responsables politiques doivent également répondre aux difficultés de plus en plus grandes en matière de menstruation chez certains groupes de personnes. Un exemple au point suivant…
Dans le monde, près de 70 % du personnel de santé est composé de femmes. Durant cette pandémie, les soignant·e·s travaillent beaucoup et très dur, sous une pression accrue. Le personnel de santé a ainsi alerté sur ses besoins non satisfaits en matière d’hygiène menstruelle, un élément qui pourrait avoir un impact sur la réponse à la pandémie.
Les soignant·e·s ont non seulement besoin d’un accès aux produits d’hygiène menstruelle, mais doivent aussi avoir le temps, les infrastructures et les ressources nécessaires pour veiller à leur hygiène menstruelle. C’est particulièrement vrai pour celles et ceux qui travaillent en première ligne et portent des équipements de protection individuelle (EPI).
« Les procédures réglementaires pour mettre ou enlever un EPI empêchent un changement rapide de protection hygiénique, ce qui peut conduire à ce que les femmes saignent à l’intérieur des combinaisons de protection, à ce qu’elles empêchent leurs règles en prenant la pilule, ou même éventuellement à ce qu’elles manquent des jours de travail », établit un communiqué récent de l’UNICEF.
L’UNFPA et l’UNICEF tentent actuellement de répondre à ces besoins en distribuant des protections hygiéniques et des EPI aux soignant·e·s en première ligne dans le monde entier.
Les personnes hospitalisées ou placées en centres de quarantaine n’ont pas la possibilité de se procurer elles-mêmes leurs produits d’hygiène menstruelle. Les gestionnaires de ces structures doivent donc assurer la disponibilité suffisante de ces produits, et le personnel de santé doit être formé à répondre à ces besoins avec tact.
Une femme rapporte que les personnes de son centre de quarantaine avaient besoin de plus de serviettes hygiéniques que la structure n’en disposait. « Les règles touchent toutes les femmes concernées de façon différente, certaines plus intensément que d’autres », explique-t-elle.
L’UNFPA et l’UNICEF travaillent avec leurs partenaires, dont l’ONU Femmes, pour distribuer des kits dignité contenant des produits d’hygiène, comme des serviettes hygiéniques ou du savon, à des centres de quarantaines au Yémen, au Salvador et dans d’autres pays.
Les personnes qui avaient déjà des difficultés à accéder à des services de santé ou à des produits d’hygiène menstruelle voient ces problèmes augmenter.
La fermeture des magasins et des transports publics, la hausse des prix et l’incertitude économique grandissante rendent les produits d’hygiène menstruelle inaccessibles pour les personnes vivant dans la pauvreté. Dans certaines régions, on rapporte l’usage de chaussettes pour absorber le sang menstruel.
Les circonstances sont encore plus complexes pour les personnes handicapées, incarcérées, réfugiées, pour les migrant·e·s, les résident·e·s de centres d’hébergement et les hommes transgenres, qui peuvent tou·te·s voir leur accès aux produits d’hygiène et à l’intimité diminuer pendant les confinements. Une femme détenue à Kirkuk, en Irak, raconte à l’UNFPA : « Être ici nous donne l’impression d’être oubliées… mais nos besoins intimes sont importants ».
Dildar Salamanca, expert humanitaire de l’UNFPA, en mission à la frontière entre Venezuela et Colombie, se souvient de ce qui peut se passer si les migrant·e·s ne disposent pas des produits nécessaires : « Une fois, j’ai vu une fille qui avait ses règles, et qui ne pouvait pas se lever, car elle n’avait pas de serviettes hygiéniques et était assise sur un sac en plastique. Ces conditions ont empiré avec l’isolement social pendant la crise du COVID-19, car les femmes doivent donner la priorité à la nourriture et à l’eau plutôt qu’aux produits d’hygiène personnelle ».
L’inégalité des genres, l’extrême pauvreté, les crises humanitaires et les traditions néfastes peuvent toutes transformer les règles en périodes de privations et de stigmatisation. Ces vulnérabilités ne font qu’augmenter en période de pandémie, puisque l’accès aux services de santé sexuelle et procréative et à l’information s’amenuise.
Les occasions de déconstruire les mythes et de défendre les droits de la personne ont été réduites également. L’an dernier par exemple, la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle avait compté 726 événements sur le terrain dans 74 pays, pour défendre la fin du tabou et de la stigmatisation des règles. Dans les circonstances actuelles, il n’est pas possible d’organiser de tels événements.
Les services d’eau, d’assainissement et d’hygiène sont essentiels à la fois à l’hygiène menstruelle et à la prévention du COVID-19. Les efforts pour fournir ces services sont pourtant affaiblis en ce moment.
Les communautés doivent faire face à des pénuries de produits tels que le savon, le désinfectant pour les mains et le matériel de nettoyage. Les services d’eau et d’assainissement en contexte d’urgence pourraient être menacés par un manque de ressources et de personnel de maintenance, prévient l’UNICEF. Tout cela aura des conséquences négatives sur la réponse au COVID-19 comme sur la santé et les droits des personnes menstruées.
La perturbation de la scolarité et des services de santé rend les informations de base sur la santé et l’hygiène menstruelle moins disponibles. De plus, les femmes et les filles ont peu de chances de pouvoir trouver d’autres sources d’informations, à cause de leur accès moindre à Internet et à leur plus faible taux d’alphabétisation.
Plus que jamais, il faut trouver de nouveaux moyens et des façons créatives d’informer sur la menstruation.
L’UNICEF et l’UNFPA travaillent à dissiper les rumeurs et à diffuser des informations positives et factuelles sur les règles via des messages éducatifs et d’intérêt public. Il faut pourtant accélérer les efforts, à la fois pour informer et pour mettre fin à la stigmatisation et à la honte.
Les traditions et les tabous autour des règles conduisent déjà à l’exclusion et à la vulnérabilité en temps normal. Avec la pandémie, la situation peut empirer. Certaines traditions appellent les personnes menstruées à rester isolées dans des cabanes dédiées ou chez leur famille, ce qui va à l’encontre des mesures de distanciation sociale. D’autres interdisent aux personnes menstruées de se laver ou de toucher leurs parties intimes pendant les règles, et soutiennent que les règles souillent les sources d’eau ou les toilettes.
Heureusement, au moins dans certains cas, les efforts de prévention du COVID-19 sont prioritaires sur ces traditions. Plusieurs militantes de l’ouest du Népal ont rapporté à l’UNFPA que les femmes et filles ayant leurs règles sont désormais confinées dans des pièces séparées de leur maison, plutôt que d’être envoyées dans les cabanes dédiées ou les étables. « Elles portent des masques et se lavent régulièrement les mains », explique Pramila Rokaya, l’une des militantes.
Toutefois, il faut que les efforts s’intensifient pour assurer l’accès de tou·te·s aux mesures de prévention du COVID-19, y compris pendant les règles.