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No trivia : en Ukraine, un espace sûr en ligne aide les adolescent·e·s à prendre soin de leur santé mentale
- 24 Janvier 2023
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KIEV, Ukraine – « Je me sens vraiment en sécurité dans ce chat ». « C’est comme parler à un·e ami·e ». « C’est très utile pour les personnes comme moi, qui ont peur de parler parce qu’on leur a interdit depuis l’enfance de montrer leurs émotions et leurs sentiments ».
Voici quelques-unes des réactions d’adolescent·e·s à une plateforme virtuelle ukrainienne appelée No trivia. Lorsque la Russie a déclaré une guerre totale à l’Ukraine en février 2022, l’UNFPA a élargi ce projet pédagogique qui fournit une assistance psychologique aux adolescent·e·s. Financée par le gouvernement britannique et mise en œuvre par l’UNFPA et l’ONG locale MoloDvizh, la plateforme avait été lancée en 2019 à l’occasion de la Journée internationale de la jeunesse, le 12 août.
Au départ, l’objectif de No trivia était d’encourager les discussions sur les relations saines et toxiques, mais elle a élargi son action pour prendre en compte les sentiments provoqués ou exacerbés par la guerre chez les jeunes. Nadiia Kovalevych, qui travaille pour l’UNFPA, explique : « toutes les émotions négatives et le stress affectent nos relations aux autres, et peuvent mener à une augmentation de la violence ».
La plateforme entre en contact avec son public via un site internet, un compte Instagram ainsi qu’un « chatbot » automatique sur Telegram, qui propose des informations et oriente les utilisateurs et utilisatrices vers les services adaptés. Jusqu’ici, plus de 30 000 adolescent·e·s ont utilisé le chatbot, qui demande aux personnes qui l’utilisent d’évaluer leur état émotionnel et d’identifier les problèmes qui les préoccupent le plus. Le robot suggère ensuite des articles, des techniques de relaxation ou une séance avec un·e psychologue, qui a lieu directement dans le chat, gratuitement et de façon anonyme.
« Les enfants continuent à vivre leur vie »
En 2022, 14 psychologues travaillant pour la plateforme ont donné plus de 4 000 consultations, dont la majorité concernait des sujets presque banals, ce qui est rassurant : incompréhensions avec les parents, relations avec ses pair·e·s, relations amoureuses, préoccupations de santé mentale et difficultés à gérer ses émotions.
« Les enfants continuent à vivre leur vie. Cependant, toutes les demandes que nous recevons sont liées de près ou de loin à la guerre, car ils et elles vivent dans un pays qui la subit toujours », déclare Dana Yakovenko, psychologue principale chez No trivia.
« Leurs ami·e·s sont parti·e·s, et leurs proches sont parfois dans les forces armées ou ont dû rester dans des villes dangereuses. Cela a des conséquences sur leur état mental, provoquant anxiété ou dépression. Parallèlement, ce sont des adolescent·e·s qui tentent de se comprendre et de comprendre leur relation aux autres, et cela doit être pris en charge malgré la guerre ».
Une augmentation de la prévalence de l’automutilation due à la guerre
En plus des milliers de personnes tuées ou blessées, la guerre en Ukraine laisse des cicatrices moins visibles : l’OMS estime que 10 millions d’Ukrainien·ne·s (soit une personne sur quatre) risquent de développer un stress aigu, de l’anxiété, une dépression, une addiction ou un état de stress post-traumatique.
Mme Yakovenko dit avoir constaté une augmentation des cas d’automutilation depuis le début de la guerre. « Pour beaucoup, se faire du mal volontairement peut permettre de réguler ses émotions lorsqu’il est impossible d’exprimer son anxiété. »
Elle poursuit : « pour les adolescent·e·s, il est plus facile de parler de leurs problèmes sur un chat anonyme, d’écrire à une psychologue qui ne peut pas les voir et qui n’est pas visible non plus. Nous parlons beaucoup de violence, notamment de violence sexuelle. Notre mission, c’est d’aider ces enfants et de les orienter vers une assistance adaptée, une thérapie plus longue par exemple ».
Le projet No trivia, qui a donc été relancé, a déjà pu aider 3 millions d’adolescent·e·s en leur fournissant des conseils pour gérer leur état émotionnel et protéger leurs limites, deux éléments essentiels dans le renforcement de la prévention de la violence basée sur le genre.
De nouvelles consultations basées sur la confiance
Plus d’un tiers des utilisateurs et utilisatrices de No trivia sont des adolescent·e·s qui ont déjà utilisé la plateforme et reviennent aborder d’autres sujets. « Parfois, ces jeunes vérifient d’abord qu’il est possible de nous parler en abordant des questions moins difficiles », explique Mme Yakovenko. « Après avoir constaté que nous proposons un soutien empathique, que nous ne jugeons pas, ils et elles nous parlent de peurs plus profondes et nous adressent des demandes plus complexes. »
Si les psychologues identifient des signes de troubles spécifiques au cours de la consultation, ils et elles conseillent à l’enfant d’en parler à ses parents et de consulter un médecin ; dans les cas les plus graves, le robot les oriente vers des services d’urgence et des lignes d’assistance téléphonique spécialisées. « Notre travail est de leur apprendre comment les soins de santé mentale sont généralement prodigués, et où il leur est possible de demander de l’aide », précise Mme Yakovenko.
Roman Tsudnyi, responsable du centre MoloDvizh à Lviv, fait part à l’UNFPA de sa crainte que la demande ne fasse qu’augmenter au fil du temps. « La guerre est un catalyseur de tous les problèmes des jeunes. Lorsque l’avenir est incertain, le sens de la justice, qui est inhérent à l’adolescence, devient plus aigu et affecte la relation aux autres ».
En Ukraine, l’UNFPA aide les personnes cherchant des soins essentiels de santé sexuelle et reproductive et mène des actions de sensibilisation autour de la santé mentale, en particulier en lien avec les conséquences d'une crise et pour les survivant·e·s de violence. Il est ainsi prévu de renforcer la composante pédagogique du chatbot. « Après tout, la simple compréhension de son propre état soulage déjà beaucoup le stress », déclare Mme Yakovenko.