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RDC : Violence et peur empêchent l’accès aux soins obstétriques dans la province du Kasaï
- 01 Septembre 2017
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KALOMBA, République Démocratique du Congo – Jacqueline Lusambo a 18 ans. Elle est enceinte et a passé ces six derniers mois dans la brousse, pour fuir le conflit qui ravage le Kasaï-Central, en République Démocratique du Congo.
Elle n’imaginait pas que les choses se passeraient ainsi. Il y a huit mois, lorsqu’elle a appris qu’elle était enceinte de son deuxième enfant, elle vivait confortablement avec son mari dans le village de Milambo.
Les violences entre les forces du gouvernement et les groupes armés sont cependant rapidement parvenues à leurs portes. Les villages voisins ont été brûlés et détruits, et des gens enlevés et tués, explique-t-elle.
Après la fuite de sa famille, Mme Lusambo s’est retrouvée seule avec son fils d’un an se demandant comment elle pourrait bien accoucher dans cette situation.
Mme Lusambo fait partie des 1,4 million de personnes du Kasaï qui ont fui leurs maisons au cours de l’année écoulée. On estime que 3 300 personnes ont été tuées, et elle ne sait pas si son mari en fait partie ; elle n’a plus de ses nouvelles depuis le mois de février.
« Beaucoup de familles déplacées ont des histoires similaires très difficiles, car les violences qui ont commencé ici au Kasaï-Central se sont depuis propagées dans les cinq provinces du Kasaï, Kasaï-Central, Kasaï-Oriental, Sankuru et Lomami », explique Innocent Ilenga, Coordonnateur pour l’ADSSE, une ONG locale qui recense les personnes déplacées.
L’UNFPA et ses partenaires Caritas Congo et Caritas Kananga ont déployé des cliniques mobiles pour permettre aux femmes enceintes et aux autres personnes qui ont besoin d'acceder à la santé reproductive.
« C’est notre seul moyen d’aider ces femmes et de leur sauver la vie, car la plupart d’entre elles ont trop peur de se rendre dans les structures de santé pour recevoir des soins prénatals », déplore Dr. Marguerite Kunduma, de l’UNFPA.
Les cliniques mobiles atteignent des endroits où les centres de soins et les hôpitaux ont été détruits, et fournissent aussi aux structures existantes du matériel et des services nécessaires à la santé reproductive, explique-t-elle encore.
Mme Lusambo est arrivée à la clinique mobile de Kalomba avec son fils, aujourd’hui âgé de 20 mois. C’était le premier bilan prénatal de toute sa grossesse.
Son cas n’est pas isolé, selon Agnes Bilondo, sage-femme à l’hôpital de Tshikula et aide de la clinique mobile. Elle explique que beaucoup de femmes ne se sont même jamais rendues dans un centre de soins, et qu’elles sont nombreuses à accoucher seules dans la brousse, sans aucune assistance médicale.
Le jour de la visite de Mme Lusambo, près de 180 femmes enceintes ont été soignées ; huit complications de grossesse ont été détectées et les patientes ont ensuite été envoyées à l’hôpital de Tshikula.
Comme la malnutrition est de plus en plus répandue parmi la population touchée, ces femmes ont reçu des traitements vermifuges et des vitamines. On leur a également distribué des kits d’accouchement individuels contenant un équipement médical stérile, pour les aider à accoucher chez elles si elles sont dans l’impossibilité de se rendre dans un centre de soins.
Le conflit a touché 170 structures de santé dans la région du Kasaï.
Pour faire face à cette situation, l’UNFPA a fourni des kits de santé reproductive à 25 structures de santé dans les 8 zones les plus affectées du Kasaï-Central, du Kasaï et du Kasaï Oriental. Ces kits contiennent l’équipement nécessaire au traitement de divers problèmes en matière de sante reproductive, dont des soins obstétriques d’urgence et post-viol.
Ces kits sont conçus pour durer trois mois et répondre aux besoins d’environ 450 000 personnes, dont 22 500 femmes enceintes d’après Dr. Polycarpe Takou, le coordonnateur humanitaire de l’UNFPA. « 2 700 survivantes de violences basées sur le genre et 3 000 femmes souffrant de complications obstétriques pourront être traitées », a-t-il expliqué.
« Nous sommes désormais en mesure de fournir des soins post-viol et de traiter les infections sexuellement transmissibles », explique Louis Tshiyoyo, infirmier au centre de soins de Kalomba. Il ajoute que 64 cas d’infections sexuellement transmissibles et deux survivantes de viol ont pu être soignés le jour où la clinique mobile est venue.
« Avant cela, nous étions impuissants », dit-il.
Pourtant, il faudrait beaucoup plus de moyens.
« Il est urgent que nous augmentions notre réponse humanitaire par l’établissement de services plus accessibles contre les violences basées sur le genre, et des interventions en termes de santé sexuelle et reproductive, explique Dr. Takou, et pour cela, il nous faut des financements. »
« L’appel urgent de l’ONU lancé fin avril pour Kasai n’a été financé qu’à 26 % », ajoute-t-il.
L’UNFPA travaille actuellement à la mise en place d’un bureau au Kasaï-Central pour mieux gérer les besoins en matière de santé reproductive et pour aider les survivants de violences basées sur le genre.
Selon Mme Bilondo, il y a actuellement un cruel manque de ce type de services. Elle remarque que le personnel de santé est débordé par le nombre de personnes ayant besoin de soins quand la clinique mobile est sur la route.
« Nous recevons 150 femmes enceintes chaque fois que nous intervenons », dit-elle.
Quant à Mme Lusambo, elle est déterminée à revenir pour une visite de contrôle, malgré les trois heures de marche qu’elle devra entreprendre.
« Je continuerai à venir jusqu’à mon accouchement », explique-t-elle, en ajoutant qu’elle doit rester en bonne santé pour ses enfants. Pour l’instant, ils n’ont qu’elle sur qui compter.
– Assane Ba (traduit de l'anglais par Marie Marchandeau)