Déclaration du Dr Natalia Kanem, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), sur la crise en Somalie

« La Somalie traverse une situation catastrophique. Le pays est frappé par la sécheresse la plus longue et la plus grave de ces dernières années qui, d’après les prévisions, devrait se poursuivre en 2023. Des communautés entières subissent de plein fouet la crise alimentaire qui s’aggrave et, comme souvent, les femmes et les filles paient un lourd tribut, ce qui est inacceptable.

Dans tout le pays, les conflits et la fréquence accrue des phénomènes météorologiques extrêmes ont généré un cataclysme propre à priver les femmes et les filles de leurs droits. Elles sont non seulement confrontées à la faim, mais également à d’autres dangers invisibles qui menacent leur survie.

J’ai rencontré Fatuma dans le camp de personnes déplacées de Kabasa, situé à Doolow, près de la frontière éthiopienne. Dans cet environnement aride et stérile, de fragiles abris de fortune s’étendent sur des kilomètres. Le nombre de personnes arrivant dans le camp augmente quotidiennement. La majorité d’entre elles sont des mères qui ont marché durant des jours ou des semaines à travers la Somalie et l’Éthiopie voisine pour fuir la sécheresse implacable. Fatuma, qui est sage-femme, m’a expliqué que les femmes étaient épuisées et perdaient espoir. Elle craint que leurs blessures internes soient difficiles à cicatriser. Outre le besoin de nourriture et d’eau, elle souligne l’urgence de fournir un soutien en matière de santé mentale et un accompagnement psychosocial, car les services de ce type restent très insuffisants.

De même, l’accès aux soins de santé, notamment à la planification familiale et à la santé maternelle, est fortement compromis dans les districts menacés par la famine. D’après les estimations, 240 000 femmes sont actuellement enceintes et 80 000 accoucheront au cours des trois prochains mois, soit une moyenne de 900 naissances par jour, dans un pays où les taux de mortalité maternelle sont déjà élevés. Par ailleurs, la malnutrition augmente massivement chez les femmes enceintes et allaitantes, exposant leur santé et leur bien-être à des risques majeurs.

Parallèlement au combat quotidien qu’elles mènent pour leur survie, les femmes et les filles font face à une autre crise : la violence. La dangerosité des trajets vers les sites de déplacement et l’allongement des distances à parcourir pour trouver de l’eau accentuent leur vulnérabilité au viol, qui a augmenté de plus de 20 % durant les six premiers mois de l’année dans les zones touchées par la sécheresse, un taux probablement sous-évalué. Les incidents de violence basée sur le genre, notamment les pratiques néfastes, se multiplient. Les signalements d’abandon de scolarité chez les filles, de mutilation génitale féminine et de mariage d’enfants sont plus largement répandus.

Si les personnes dans le besoin doivent absolument trouver de la nourriture et de l’eau, les services essentiels à la santé, à la survie et à l’avenir des femmes et des filles ne sauraient être considérés comme secondaires. Ces services sont tout simplement vitaux .

Collaborant avec les organismes des Nations Unies et leurs partenaires pour accroître la fourniture de services essentiels de santé reproductive et de protection, l’UNFPA lance, pour la fin de l’année 2022 et tout au long de 2023, un appel de fonds à hauteur de 79,4 millions de dollars des États-Unis en faveur de la Somalie, dans le cadre de notre lutte contre la sécheresse dans la Corne de l’Afrique.

Nous appelons la communauté internationale à financer des services de santé reproductive ainsi que des services visant à prévenir la violence basée sur le genre et à y remédier, dont un soutien en matière de santé mentale et un accompagnement psychosocial. Tout espoir n’est pas perdu. Cependant, si nous n’agissons pas dès maintenant, des milliers de femmes et de filles somaliennes mourront, et de nombreuses autres subiront des violations de leurs droits et des souffrances inutiles. »