Actualités

« Une course contre la montre » : au Cameroun, le trajet de Djamila vers l’hôpital au milieu des crues

Une femme se tient debout dans l’eau d’une crue, près d’une clôture en bois effondrée et d’une maison au toit en chaume
Une femme enceinte bloquée près de sa maison par les récentes crues dans la région de l’Extrême-nord du Cameroun. Crédit : UNFPA Cameroun / Samuel Sawalda
  • 11 Septembre 2024

RÉGION EXTRÊME-NORD, Cameroun – Tenant son ventre, Djamila*, enceinte, a vu les flots monter autour d’elle, menaçant d’engloutir le fragile canoë dans lequel elle avait pu s’échapper.

« L’eau était partout », raconte-t-elle à l’UNFPA, l’agence des Nations Unies en charge de la santé sexuelle et reproductive. « J’avais tellement peur, pas uniquement pour moi mais pour mes bébés. Chaque minute m’a paru une éternité. »

C’était la première grossesse de cette jeune fille de 18 ans, et elle attendait des jumeaux. Pourtant, les seuls soins prénatals qu’elle avait reçus avaient eu lieu quatre mois plus tôt, lorsqu’une clinique mobile de l’UNFPA s’était rendue dans son village de Ngouma, près du lac Tchad.

L’histoire de Djamila est fréquente, et c’est une dure réalité pour un nombre incalculable de femmes dans les zones isolées dans la région Extrême-nord du Cameroun. L’accès aux soins est déjà rare en temps normal, mais peut devenir tout à fait impossible à la saison des pluies : à cause des fortes crues récentes, de nombreux établissements de santé ont été gravement endommagés et des milliers de personnes ont dû fuir leur foyer.

Dans le village de Djamila, les accouchements ont habituellement lieu à domicile, sans la supervision d’un·e agent·e de santé qualifié·e. Cependant, son accouchement de jumeaux était déjà évalué comme à risque, avant même que les eaux entravent son accès aux soins d’urgence. Lorsque le travail a commencé, les choses ont empiré : c’était un travail prolongé assorti d’une dystocie, des complications qui peuvent être très dangereuses sans soins spécialisés adaptés, que les sages-femmes qualifiées sont particulièrement habilitées à prodiguer.

Un transport a rapidement été organisé pour emmener Djamila au centre de santé le plus proche, l’hôpital de district de Mada, par le seul moyen disponible : un canoë.

Des agentes de santé sont accroupies et s’occupent d’un nouveau-né installé sur un matelas au sol ; une femme est assise et les regarde
Les sages-femmes humanitaires soutenues par l’UNFPA sont une bouée de sauvetage pour les femmes filles vulnérables dans les zones isolées, mal desservies et touchées par la crise de l’Extrême-nord du Cameroun. Crédit : UNFPA Cameroun / Samuel Sawalda

Un phare dans la nuit

L’hôpital de district de Mada est une planche de salut pour les femmes et les filles de la région, car il offre des services tels que des césariennes en cas d’accouchements avec complications.

« Lorsque Djamila est arrivée, ç’a été une course contre la montre », explique le·a Dr Mohamadou, qui dirige l’hôpital. « Ses bébés avaient du mal à respirer. Heureusement, une sage-femme était auprès d’elle. »

Mme Amadama travaille comme sage-femme depuis huit ans, et a suivi une formation de l’UNFPA sur la santé sexuelle et reproductive en cas d’urgence. Après l’accouchement, elle a rapidement et habilement dégagé les voies respiratoires des deux bébés. « Je savais que nous ne pouvions pas abandonner », déclare-t-elle à l’UNFPA. « À chaque souffle, à chaque battement de cœur, la flamme de l’espoir devenait plus vive. »

Les pleurs des jumeaux nouveau-nés de Djamila, faibles mais vivants, ont empli la pièce. « Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans l’UNFPA », ajoute Djamila. « L’agence m’a offert une seconde chance, la possibilité d’être la mère de mes jumeaux. »

Une femme debout mesure la tension d’une autre femme assise
Aminatou Amadama, une sage-femme soutenue par l’UNFPA, examine une femme enceinte à l’hôpital de district de Mada dans l’Extrême-nord du Cameroun. Crédit : UNFPA Cameroun / Samuel Sawalda

Femmes et filles en première ligne de la crise

La crise humanitaire qui s’aggrave au Cameroun affecte près de 3,4 millions de personnes selon les estimations, dont plus de 88 000 femmes enceintes. Le changement climatique vient s’ajouter à la violence et à l’insécurité, et accroît encore la fréquence et la gravité des crues : en 2024, les pluies (et donc le risque de crues) dans les régions du Nord et de l’Extrême-nord devraient être supérieures de 25 % à la normale cette saison.

L’UNFPA soutient l’hôpital de district de Mada en lui proposant des formations d’urgence pour le personnel de santé ainsi qu’en lui fournissant des kits de soins obstétricaux d’urgence ou de l’équipement de réanimation pour les nouveau-nés, afin que les sages-femmes comme Mme Amadama disposent des ressources nécessaires. Des « colis bébé » contenant des produits essentiels pour les nourrissons et les jeunes mères sont aussi distribués aux femmes les plus vulnérables.

Grâce à un financement des États-Unis, ce projet s’inscrit dans une initiative sur plusieurs districts visant à proposer des services de santé sexuelle et reproductive à plus de 50 000 personnes dans les régions de l’Extrême-nord, du Nord-ouest et du Sud-ouest du Cameroun.

L’UNFPA lance un appel d’urgence à hauteur d’un peu plus de 1,1 million de dollars pour élargir les services de santé sexuelle et reproductive ainsi que de prévention et de prise en charge de la violence basée sur le genre dans les zones touchées par les crues, et ce pour répondre aux besoins de près de 129 000 personnes, dont la plupart sont des femmes et des filles.

Nous utilisons des cookies et d'autres identifiants pour améliorer votre expérience en ligne. En utilisant notre site web vous acceptez cette pratique, consultez notre politique en matière de cookies.

X