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Défier les conflits et les mariages forcés pour soutenir l’éducation et les droits des filles en Éthiopie
- 02 Octobre 2023
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BENISHANGUL-GUMUZ, Éthiopie – « J’avais vraiment peur la première fois que je suis arrivée à la maison sûre. Je me sentais seule et je n’ai pas quitté ma chambre pendant un mois », témoigne Mme Alemtsehay*, 18 ans.
Elle fait référence à ses premiers jours dans une maison sûre offrant un abri aux survivantes de violences basées sur le genre, un lieu soutenu par l’UNFPA, l’agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive. « Ici, tout le monde est très accueillant et gentil, donc je me suis vite adaptée », ajoute-t-elle. « Maintenant, c’est moi qui accueille les nouvelles arrivantes. »
Tout comme des dizaines de milliers de personnes, Mme Alemtsehay, alors âgée de 14 ans, a été chassée de son foyer dans la zone Metekel, dans la région Benishangul-Gumuz au nord-ouest de l’Éthiopie, alors que des affrontements éclataient entre communautés. Avant le conflit, ses parents élevaient du bétail et étaient à la tête d’une exploitation agricole prospère, près de la ville de Mandura. Mais lorsque des groupes armés ont attaqué leur village, la famille a fui, laissant derrière elle tout ce qu’elle possédait.
Mme Alemtsehay est également contrainte d’abandonner ses études. Toujours première de sa classe, cette étudiante brillante a conscience de la valeur de l’éducation. Et donc de ce qu’elle perd en passant à côté. « Sans éducation, on ne peut pas changer de vie », explique-t-elle.
Trouver du courage dans l’adversité
La famille a trouvé refuge au camp de Chagni pour les populations déplacées, dans la région voisine d’Amhara. Mme Alemtsehay a rapidement essayé de s’inscrire dans une école locale, mais, ayant abandonné tous ses documents dans la panique, le transfert ne lui a pas été accordé. Refusant de se résigner, elle quitte alors sa famille pour retourner vivre avec un proche afin de poursuivre ses études, sans se laisser intimider par les combats faisant rage dans sa ville natale.
Ses efforts sont cependant de courte durée. Peinant à surmonter leur nouvelle vulnérabilité, ses parents acceptent l’offre d’un homme riche et plus âgé qui leur promet un soutien financier. Et ce, en échange de la main de Mme Alemtsehay.
Horrifiée, elle refuse et insiste pour rester à l’école. Ses parents finissent par céder, mais son prétendant se révèle plus tenace. Il déménage pour se rapprocher d’elle, la suit sur le chemin de l’école. Craignant qu’il ne tente de l’enlever, elle prend la fuite pour se réfugier chez sa sœur aînée, dans une ville voisine, et s’inscrit dans une nouvelle école.
Quelques jours plus tard, l’homme la retrouve à nouveau, la tourmentant alors qu’elle tente de poursuivre ses études et de vivre son enfance en paix.
Dans cette nouvelle école, Mme Alemtsehay participe à une séance de sensibilisation sur les violences basées sur le genre et sur la santé reproductive et sexuelle. C’est au cours de celle-ci qu’elle entend parler d’une maison sûre dirigée par la Mujejegua Loka Women’s Development Association, une ONG locale, partenaire de l’UNFPA. En apprenant que la maison sûre offre abri et soutien aux survivantes comme elle, elle explique sa situation et se voit proposer une place pour fuir et poursuivre ses études.
« J’étais soulagée de rejoindre un lieu offrant un environnement solidaire, une assistance et d’autres ressources pour m’aider à me sentir en sécurité et à avancer », déclare-t-elle à l’UNFPA.
De la guérison à l’épanouissement
La maison sûre peut accueillir jusqu’à 100 femmes et filles, toutes survivantes de viol et de violences conjugales ou ayant fui un mariage forcé. Outre un abri et de la nourriture, la maison sûre offre une éducation, des soins médicaux, un accompagnement psychologique et des formations professionnelles pour aider les femmes à reprendre leur vie en main.
L’une des dix maisons sûres soutenues par l’UNFPA dans les sept régions est financée par le Japon. Elle permet d’orienter les survivantes vers la police, les procureur·e·s et les services de police pour les aider à dénoncer les agressions qu’elles ont subies et à demander réparation auprès de la justice.
Après quatre ans au centre et des résultats scolaires toujours aussi excellents, Mme Alemtsehay reste première de sa classe et l’une des meilleures élèves de sa région. « J’aimerais intégrer l’université d’Addis-Abeba et étudier dans le domaine social pour pouvoir autonomiser les femmes et les filles, et les aider à mener une vie épanouissante, en toute sécurité », déclare-t-elle à l’UNFPA.
*Les noms ont été modifiés pour protéger l’anonymat des personnes