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En Éthiopie, les femmes enceintes ont du mal à trouver soutien et stabilité après leur déplacement depuis la région du Tigré
- 10 Février 2021
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GONDAR, Éthiopie – « Lorsqu’on pense à son avenir, on n’envisage jamais d’être arrachée au confort de sa maison et de trouver une sécurité précaire dans une tente », explique Hiwot*, 24 ans, qui vient de la région du Tigré, ravagée par le conflit.
C’est pourtant exactement ce qui lui est arrivé au début du mois de décembre dernier, alors qu’elle était enceinte de sept mois. Les affrontements se sont intensifiés près de son quartier, la forçant à fuir avec son mari.
« Alors que les combats se rapprochaient de notre maison, ma sécurité et celle de mon bébé sont devenues ma priorité absolue. Nous n’avons pas eu d’autre choix que de fuir pour nous protéger », raconte-t-elle à l’UNFPA.
Hiwot a connu un voyage long et dangereux : « nous sommes partis de Shire, dans la région du Tigré, pour arriver à Dabat dans la région Amhara. Il nous a fallu trois jours complets pour arriver à destination. Au début, nous étions à pied, puis j’étais si fatiguée que nous avons pris le risque de faire du stop. »
Tout au long de ce voyage, sa préoccupation était de préserver sa grossesse : « j’avais peur de tomber malade, de ne trouver personne sur la route pour m’aider et de perdre mon bébé ».
Avant que le conflit n’éclate dans la région du Tigré en novembre dernier, Hiwot et sa famille semblaient avoir un bel avenir. Elle gagnait sa vie comme cheffe, un métier qui lui plaisait beaucoup. Il y a près de huit mois, elle a découvert qu’elle était enceinte.
« Avec mon mari, nous étions ravis. Nous allions enfin avoir un enfant, et nous étions prêts à le chouchouter. Nous avons commencé à faire des projets pour l’avenir de cet enfant. »
Ces projets ont été abandonnés depuis.
« J’ai dû tout laisser derrière moi : mes affaires, mes bijoux, et ce qui me permettait de gagner ma vie et d’avoir une sécurité, c’est-à-dire mon matériel de cuisine. Je n’ai pu emporter que deux robes et des sous-vêtements, ainsi que le peu d’argent liquide que nous gardions à la maison », explique-t-elle.
Trois jours de marche et de stop ont amené Hiwot et son mari à Dabat, près de Gondar, où les groupes d’aide ont établi un site pour personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Il abrite actuellement 630 foyers, soit près de 1 870 personnes. Parmi elles, on estime que 490 sont des femmes et des filles en âge de procréer.
Hiwot et son mari partagent une tente avec leurs voisins du Tigré.
Aujourd’hui, les combats se poursuivent au Tigré, l’accès à l’aide humanitaire est très limité et les conditions de vie se détériorent, rapportent les agences des Nations Unies. Dans la région Amhara, des dizaines de milliers de personnes ont besoin d’assistance.
Le déplacement et l’incertitude ont déjà beaucoup affecté Hiwot. « Nous sommes désespérés à présent », dit-elle. « Mon mari et moi sommes sans emploi et dépendons des autres. Nous ne savons pas ce que nous allons faire quand le bébé arrivera le mois prochain. »
Son lieu et ses conditions d’accouchement l’inquiètent particulièrement.
Elle n’est pas seule dans cette situation. On estime que 36 femmes enceintes vivent dans le camp de Dabat, et qu’elles ont toutes besoin de soins de santé procréative ainsi que de services de soutien, notamment psychosocial.
L’UNFPA travaille à fournir ces soins au plus vite. Grâce à une étroite collaboration avec le Bureau de la santé de la municipalité de Gondar, l’UNFPA engage des sages-femmes dans les centres de santé qui s’occupent des femmes et des filles du camp de Dabat. L’UNFPA distribue également des kits de santé procréative aux professionnel·le·s de l’accouchement, ce qui permettra aux sages-femmes en service d’avoir le matériel nécessaire pour des accouchements en toute sécurité.
Les femmes enceintes de six mois et plus recevront également des kits d’accouchement stériles, qui contiennent du matériel d’urgence (bâche stérile, gants et lame de rasoir) pour les aider à accoucher soit au camp de personnes déplacées soit au centre de santé.
L’UNFPA établira aussi un espace sûr pour les femmes ainsi qu’un espace dédié aux enfants, où toutes et tous pourront recevoir une aide psychologique et psychosociale, ainsi que des informations essentielles. Ces services sont fondamentaux pour les personnes comme Hiwot, qui ont du mal à s’adapter à leur nouvelle situation.
« Je fais des cauchemars », explique-t-elle à l’UNFPA, les larmes aux yeux, « je ne sais pas comment je pourrai garder mon enfant en vie sans revenu et dans de telles conditions de vie ».
*Le prénom a été changé pour préserver l’anonymat